28 janv. 2011

La France est un corps mort à la nécessaire résurrection

tandis que la Tunisie est en révolution





La France est un corps mort

à la nécessaire résurrection




par


Alexandre Gerbi




« (…) la famille humaine, prête à sacrifier ses liens les plus saints
sur l'autel de l'égoïsme mesquin de la nation, de la race,
de l'idéologie,
du groupe, de l'individu (…) »

Benoît XVI, Homélie à Fatima, 13 mai 2010




D
ieu merci, en l’an de grâce 2011, la vérité n'est plus niée dans les hautes sphères politiques et intellectuelles françaises. Même si l’on préfère encore la taire à cette heure. Quant aux sphères africaines, hormis quelques fins stratèges, elles savent pertinemment, bien avant que je ne commence à parler, que l’évidence est là.

A partir de la minute 33', Henri Lopès, ambassadeur du Congo à Paris, dans une allocution du 14 décembre 2010, lors d'une table ronde organisée par l'Institut Pierre Mendès France :

http://www.mendes-france.fr/2010/12/14/audio-forum-sur-la-politique-africaine-de-la-france/

Dont acte.


*
* *

La prétendue « décolonisation » et son histoire essentiellement falsifiée ont détruit et détruisent encore la France comme elles ont détruit et détruisent l'Afrique. En empêchant l’unité fraternelle et constructive à laquelle toutes deux aspiraient profondément.

Aujourd’hui, au bout du processus de déchirure, la France est pour ainsi dire morte ou si l’on préfère, la France existe, au choix, sous forme d’ectoplasme, de corps en état de mort clinique ou bien encore de cadavre. Qui se décompose. A commencer par la langue, en particulier celle des jeunes, plus que jamais envahie par l’anglais. Le mot vie lui-même est devenu « life ». Il suffit de tendre l’oreille ou d’ouvrir les yeux pour regarder ce qu’est devenue la France ces dernières décennies, et mieux encore ce qu’elle n’est plus.

Flash-back.

*
* *

Tous les mots de la phrase suivante sont pesés.

Il y a cinquante ans, à peine sorti de l’enfer colonialiste, égaré au cœur des ténèbres de la prétendue « décolonisation », l’Etat français trahit la totalité des principes qui firent universellement la gloire de la France, la fond(ai)ent comme mythe politique planétaire et faisaient l’orgueil de son peuple. En particulier : liberté, égalité, fraternité et laïcité ; mais aussi ses fondements modernes : Lumières, république et démocratie.

Ce vaste naufrage idéologique prit la forme d’un programme politique insensé, si l’on songe aux critères fondamentaux de la bonne gestion d’un Etat et aux conditions de sa pérennité : la sécession encouragée, souvent provoquée, parfois imposée, de facto, aux 9/10e du territoire et aux 3/4 de la population, sous couvert de « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », alors même que ce droit fut systématiquement bafoué. Des millions d’Ultramarins basculèrent ainsi dans des tyrannies plus ou moins éclairées, cruelles ou démentes, et connurent la régression dans presque tous les domaines.

Si l’on rapproche l’ampleur du sacrifice, à savoir l’abandon de la quasi-totalité du territoire et de la majorité de la population, de la question qui y présida, à savoir le refus de voir le Nègre, le Berbère ou l’Arabe comme égal, on mesure le degré de défiance que ce sacrifice signifie et l’on pressent l’intensité de la tragédie. En particulier dans les esprits en Afrique subsaharienne, et aux tréfonds de l’âme noire tellement dénigrée et flétrie à travers les temps modernes.

Car ce dernier crachat, immense, venait de la France et plus précisément de Paris, qui tenaient jusque-là une place majeure dans le panthéon politique nègre.

*
* *

Evidemment, pour faire passer pareil désastre pour un superbe succès et cet incommensurable scandale pour une prodigieuse merveille, l'Etat « français », en réalité de l’Etat « hexagonal », sut préserver ses intérêts à court terme et donner aux rescapés de la grande lessive du pain et des jeux. Puissamment déployée, la propagande fit le reste, avec les complicités de Washington, de Moscou et du Vatican, entre autres pompiers pyromanes.

L’Afrique vassalisée, les anciennes provinces et populations françaises répudiées pour être trop « nègres », trop « bougnoules » ou pas assez « chrétiennes », furent invitées à confirmer, après l’avoir sagement appris à l’école, que l’opération, que le divorce avait relevé de leur choix.

*
* *

Pareilles transgressions, dans leur exceptionnelle ampleur, sont évidemment lourdes de conséquences à long terme. Faut-il s’étonner que la France actuelle ne soit plus grand-chose, en particulier à ses propres yeux ? Est-on surpris de la voir si triste et mélancolique, en l’an 2011, telle qu’elle se ressent à présent dans sa chair mêlée malgré les fous ? Est-il vraiment bizarre qu’elle s’aime si peu avec ces cruelles souvenances, ces terrifiants refoulements ? Précisément parce qu’elle a, à la fois, violé ses principes les plus sacrés et ses valeurs les plus hautes, parce qu’elle s’est niée elle-même, mais aussi parce qu’elle le fit en abandonnant nombre de ses enfants bientôt pauvres parmi les pauvres, au gré d’une automutilation confinant au suicide, sur fond de lavage de cerveaux.

Aujourd’hui, fatalement éparpillée parmi ces bouts d’elle-même que certains de ses grands chefs jugèrent incompatibles, la haine de soi pour héritage, minée de moins en moins confusément, elle se déchire lentement vers la tombe... L’inquiétante décomposition, la fameuse mort clinique évoquée plus haut.

*
* *

Le peu qu’il reste de l’ancienne France, de la plus grande France par delà les races et les religions, sûre de son génie sans ignorer ses faiblesses, dans l’hexagone ou outre-mer, y compris en Afrique, s'étiole, ou survit difficilement. La France naïve et exaltée qui se dressait en chantant les gloires de l’Homme debout contre tous les esclavages et toutes les superstitions, qui rêvait de renverser tyrans et tyrannies pour libérer les peuples, on en observe les derniers feux de loin en loin, plus souvent consterné par les reflets qu’elle jette dans quelque dérisoire commémoration ou beau discours de circonstance. Qui s’aviserait de s'en plaindre, finalement, quand on sait tous les mensonges et les vrais crimes dont la France est tant salie et même défigurée ? Sans rien dire des trésors de duplicité qu’il fallut pour commettre tant d’abominations.

*
* *

Resterait, dans l’espoir d’un impossible salut, à repenser entièrement le présent depuis l'origine…

Un tournant, une révolution culturelle est si urgente qu’elle devrait être inéluctable. Elle devrait aussi être évidente. Sauf si l’on n’a cure que le monde s’abîme pour longtemps, et peut-être définitivement, et que le malheur ne l’emporte par pans…

La crise financière et économique n’est, en France, que la cerise et le sucre glace sur un gigantesque kouglof. Le pays connaît une crise autrement profonde, grave et vaste, bien antérieure au scandale des subprimes US. Une crise de nature historique, politique, sociétale, idéologique, aux enjeux presqu’illimités.

Notre pays s'autodétruit, ou plutôt achève de s'autodétruire. Parce que ses chefs, après des luttes acharnées et des intrigues étrangères de toutes sortes, empêchèrent sa fusion avec l’Afrique qu’ils préférèrent abaisser et exploiter encore, plutôt que d’accepter la métamorphose de la France entre 1945-1962. Elle n'y survivra pas.

Faut-il encore dire ce qu’il lui reste à faire, après ce Cinquantenaire des « indépendances » africaines qui, finalement, n’a fait presque aucun bruit au pays de Charles de Gaulle et de Nicolas Sarkozy, et qui inspira à l’Afrique des silences vertigineux que vient enfin de rompre Henri Lopès ?

Entre fusion fraternelle et métamorphose, dire la vérité sur ce qui s’est passé voilà cinquante ans. Pour une manière de résurrection. Ou de transfiguration…


Alexandre Gerbi







Libellés : , , , , , , ,

19 janv. 2011

La Révolution s’avance ou Quand Henri Lopès balance à Paris

petit à petit...




La Révolution s’avance

ou

Quand Henri Lopès balance à Paris




par


Alexandre Gerbi





Les choses avancent...

Le 14 décembre 2010, Henri Lopès, écrivain, ancien militant indépendantiste congolais et ambassadeur du Congo en France, participait à une table ronde organisée par l’Institut Pierre Mendès France, à Paris. A ses côtés, prenaient également part aux exposés Jean-Christophe Rufin, écrivain, ancien ambassadeur de France au Sénégal, Stéphane Gompertz, directeur Afrique et Océan Indien au Ministère des Affaires étrangères, Vincent Hugeux, grand reporter à l’Express, Emmanuel Laurentin, producteur à France Culture et modérateur pour l’occasion.

Face à ces représentants du gratin politico-journalistico-intellectuel français, Henri Lopès déclara :

« (…) Je n’ai rien écrit, je ne voulais pas vous faire un exposé ex cathedra, étant donné que nous étions dans une table ronde. Je pensais que j’apporterais simplement quelques éléments de réflexion. (…) Je voudrais peut-être rappeler, donner un certain nombre d’éléments du contexte.

Les indépendances, 1960 : que se passe-t-il en Afrique, que se passe-t-il dans le monde, que se passe-t-il en France, dans leurs relations avec les colonies françaises ?


Dans le monde, il y a bien sûr la guerre froide. Mais on y est tellement qu’on n’en a pas conscience de manière quotidienne. Et puis, il y a surtout la guerre d’Algérie, qui vient après les guerres d’Indochine. Et la France a des efforts à fournir de ce côté, et a un malaise qui se répercute jusqu’en France. Tout le débat politique français, dans l’époque où j’étais étudiant, était constamment émaillé de questions relatives à l’Algérie. Les manifestations qui avaient lieu chaque jour étaient surtout relatives à l’Algérie. C’est dans ce climat (…) que nous avons fait nos universités politiques. Et j’ai l’impression que, dans ce qui a été la politique de décolonisation de De Gaulle – et pour moi « décolonisation » est différent d’indépendance ; décolonisation est un processus, un processus continu – et dans cette politique, il y a, il ne faut pas être grand clerc en matière d’Histoire pour comprendre que le général de Gaulle avait conscience du fait qu’il fallait qu’il ne se crée pas, pour reprendre avant la lettre une formule que Che Guevara a mise dans sa fameuse Lettre d’espoir, créer « mille Vietnam », et (…) il fallait éviter de créer « mille Algérie »… Il y avait des parties de l’Afrique qui se trouvaient déjà en guerre. On l’a oublié. C’est essentiellement le Cameroun. Je ne parle pas de l’Afrique anglophone, avec le Kenya, la révolte des Mau-Mau. Tous ces éléments-là, je crois, ont été pris en compte, et je ne veux pas développer plus longuement des choses que vous connaissez tous, mais qui sont quelquefois perdues de vue dans le contexte.

Donc, de Gaulle a compris qu’il fallait éviter qu’il y ait d’autres foyers de guerre dans laquelle la France se trouverait impliquée avec ses colonies. Et puis alors, il y a dans les colonies des gens qui s’agitent. Il y a d’abord l’élite, ceux que, par exemple, en Afrique centrale, Afrique équatoriale française, on appelait les « évolués », dont la revendication était, au départ, simplement le désir d’avoir les mêmes droits que les citoyens français. Je pourrais développer longuement ce chapitre. Et c’est face à l’obstination de certains milieux français, surtout en rapport avec le milieu colonial, qui fait que de ce concept on passe à l’indépendance. Et l’idée d’indépendance n’est pas tellement ancrée dans la population africaine. Nos parents nous crient « casse-cou ! » Elle est surtout le fait d’agitateurs – comme je l’étais, loin de l’Afrique, en France – qui retournions en vacances faire de l’agitation. Et cela va s’incarner dans le choix de la Guinée en 1958. Et je voudrais donc rappeler cela : les dirigeants africains de l’époque, je parle des anciennes colonies françaises – les choses sont complètement différentes dans les colonies anglaises – ne souhaitent pas l’indépendance : on les pousse à l’indépendance. (…) Les dirigeants [africains] sont emmenés, poussés en partie par les dirigeants français qui se rendent compte qu’on a intérêt à déminer la situation en allant à l’indépendance. D’où le projet de De Gaulle, la Communauté française, avec dans un premier temps une autonomie interne qui prend forme dès 1958 et, petit à petit, la marche vers l’indépendance. (…) Ce que je voudrais dire, c’est que ces dirigeants africains, je me mets à leur place – j’étais opposé à eux à l’époque – comment voient-ils l’indépendance… Qu’on leur impose... Ils se disent, bon, nous allons l’accepter, nous allons être indépendants (…). »

A partir de la minute 33' : http://www.mendes-france.fr/2010/12/14/audio-forum-sur-la-politique-africaine-de-la-france/

Récapitulons : dirigeants africains « poussés » à l’indépendance ; indépendance « imposée » en 1960 par l’Etat français ; mieux encore, idée d’indépendance « pas tellement ancrée dans la population africaine » ; cerise sur le gâteau, indépendance surtout le fait d’une minorité « loin de l’Afrique », qui retournait en vacances « faire de l’agitation »…

Autant de confidences qui confirment ce que le blog Fusionnisme annonce depuis plusieurs mois : la grande thèse commune au Club Novation Franco-Africaine (CNFA) et au Mouvement Fusionniste – à savoir le mensonge planétaire qui travestit en triomphe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ce qui fut, en réalité, il y a cinquante ans, le largage de l’Afrique par l’Etat français, au mépris des Africains, et à des fins inavouables, entre racisme, défiance civilisationnelle, déni d’égalité et appât du gain – cette thèse a triomphé en coulisses et n’est plus guère contestée dans les hautes sphères franco-africaines. Notons qu’ici, Henri Lopès va, sur certains points, encore plus loin que le CNFA…

D’ailleurs, que croyez-vous qu’il arriva ce jour-là, autour de la table ronde organisée par l’Institut Mendès France ?

Tout simplement, chacun fit semblant de ne rien avoir entendu de ce que disait Henri Lopès, écrivain, ancien militant indépendantiste congolais et ambassadeur du Congo en France.

Jean-Christophe Rufin, écrivain, ancien ambassadeur de France au Sénégal, Stéphane Gompertz, directeur Afrique et Océan Indien au Ministère des Affaires étrangères, Vincent Hugeux, grand reporter à l’Express, Emmanuel Laurentin, producteur à France Culture et modérateur pour l’occasion, ne trouvèrent dans les propos d’Henri Lopès rien qui suscitât chez eux le moindre rebond…

Reconnaissons au modérateur, Emmanuel Laurentin, producteur et animateur à France Culture, le mérite de la cohérence. Il n’a jamais invité aucun membre du Club Novation Franco-Africaine dans ses émissions. Les écrivains Claude Garrier, Samuel Mbajum, Simon Mougnol, et tant d’autres membres du CNFA, n’ont jamais eu les honneurs de France Culture. Il est vrai que pour ce qui est de Radio France, radio d’Etat française, seule RFI, au fil des années, a reçu au compte-gouttes certains d’entre nous. Mais ni France Culture, ni France Inter, ni France Info n’ont jamais rien dit de nos travaux, ni accordé le moindre micro à nos idées. Il n’y a donc guère matière à s’étonner qu’Emmanuel Laurentin n’ait pas relevé l’incongruité des propos d’Henri Lopès, pas plus que les autres intervenants, ou même le public.

Car ce qu’a osé dire Henri Lopès fait partie de ce qu’il faut obligatoirement taire, puisque c’est la vérité, et que cette vérité est l’inverse de l’histoire officielle à laquelle tout le monde est tenu, depuis cinquante ans, sous peine de mort sociale, d’adhérer. Le secret recouvre tant de scandales incommensurables, et sert tant d’intérêts… Alors « on joue le jeu », « le système joue le jeu », encore et toujours

Par-delà ceux qu’on tient à l’écart, par-delà les dialogues de sourds et malgré les silences, les esquives si confortables, tandis que la Côte d’Ivoire, la Tunisie, l’Algérie sont en ébullition, la parole avance à Paris, malgré tout. En dépit des élites politico-journalistico-intellectuelles ultra-hypocrites. Et, faut-il s’en étonner, grâce à une vieille voix africaine…

Alexandre Gerbi





Libellés : , , , , , , , , , , , , , ,

6 janv. 2011

2011 : A mi-chemin de la Révolution

Meilleurs vœux pour l'année 2011 !





2011 :

A mi-chemin

de la Révolution




par


Alexandre Gerbi




Avec cette année 2011 qui commence, c’est l’année 2010 qui s’achève… L’occasion d’un bilan, consternant ; et de vœux dans l’espoir, apparemment fou, de voir enfin se profiler un monde meilleur…

Haïti dévasté et frappé par le choléra… Ingérence internationale et menace de guerre civile en Côte d’Ivoire, dans une Afrique livrée plus que jamais aux rapacités volontiers sanglantes de la mondialisation ultralibérale, dernier visage du néocolonialisme… Banlieues au bord de l’explosion, montée de l’antagonisme de race en France et en Europe… Monde musulman entraîné dans l’intégrisme, au prix d’une manipulation permanente, face à un Occident menteur, hypocrite et décadent… Débat politique en France marqué par l’effarante nullité de la gauche, qui n’a d’égal que l’inconséquence gravissime du président de la République, Nicolas Sarkozy, qui conformément à son portrait dressé par WikiLeaks, se comporte en servile valet des Etats-Unis. Au prix sans doute, dans son esprit, dans le secret de son bureau, d’un habile billard à quinze bandes, puisque l’affaiblissement global de la France et de la fameuse « Françafrique » ne lui laisse plus le choix des armes, quand ses amis américains ne rêvent que de sa perte et de l’abaissement de son pays, auquel ils travaillent du reste sans relâche depuis de nombreuses décennies…

Et comme depuis de nombreuses décennies, la France et ses annexes africaines (en particulier les sphères bourgeoises et les élites officielles) n’en finissent plus de jouer la partition écrite par l’Oncle Sam, et orchestrée par ses fifres, sous-fifres et autres grosses caisses… Avec une pensée émue pour feue l’URSS et ses réseaux qui, sur ce chapitre au moins, servirent si bien les vues états-uniennes, finalement, avant de finir dans les poubelles de l’Histoire…

En l’an 2010 qui s’est achevé et en l’an 2011 qui commence, l’hypocrisie de l’Etat français et du Système qu’il sécrète (hommes et femmes politiques, intellectuels, universitaires, porte-parole du monde associatif, et dans une moindre mesure journalistes) atteint son paroxysme. Car les thèses communes soutenues par le Mouvement Fusionniste et le Club Novation Franco-Africaine, à savoir le largage néocolonialiste, civilisationnel et raciste de l’Afrique organisé contre la volonté profonde de l’Afrique qui souhaitait, quant à elle, l’unité franco-africaine (et euro-africaine) dans l’égalité, la fraternité et la justice sociale… Ces thèses, parfaitement connues et solidement étayées, ont aujourd’hui gagné entièrement la partie en coulisses.

Dans les hautes sphères politiques françaises et africaines, en dépit des grossiers mensonges que se chargent de soutenir encore publiquement quelques figures de proue du monde intellectuel franco-africain (ces personnes étant évidemment tenues et engagées par les mensonges qu’elles profèrent depuis parfois un demi-siècle de carrière au cœur du Système…), chacun sait que Senghor, Houphouët et Léon Mba, comme Barthélémy Boganda, Diori Hamani ou Sékou Touré et tant d’autres, n’optèrent pour le divorce, à savoir l’indépendance, que parce que la République française les y accula, par son refus de fonder la grande République franco-africaine égalitaire, multiraciale et, de fait, multiconfessionnelle. Au bout de la route, c’est même l’Elysée de Charles de Gaulle qui dynamita et étouffa ce qu’on appela un jour l’Union puis la Communauté française, vouant les anciens territoires africains de la France à l’exploitation et au sous-développement dans des indépendances fictives aux prodigieuses régressions…

Aujourd’hui, à Paris, c’est-à-dire dans ce qui reste encore malgré tout la capitale du monde franco-africain, dans les milieux africains aussi bien que français, tout le monde sait ce qui s’est passé à l’époque, mais continue de mentir. Cette mécanique nous intoxique, nous détruit, nous broie ? Peu importe, il s’agit surtout de « jouer le jeu », comme me le disait il y a quelques mois, à la sortie d'un colloque, un homme d'un certain âge

Ainsi, dans ce contexte délétère, l’année 2010 devait être celle du Cinquantenaire des Indépendances africaines et de l’Année de l’Afrique en France.

L’année 2010 fut, au fond sans surprise, l’année du fiasco grotesque du Cinquantenaire des Indépendance africaines, organisé comme une vaste provocation par Jacques Toubon, sur ordre de Nicolas Sarkozy, sixième président de la Ve République blanciste travestie depuis Mitterrand (voire Giscard…) en apôtre du métissage.

En l’an 2010, sous la houlette de la Commission Toubon, dans le sillage du discours de Libreville (24 février 2010) où Sarkozy avait donné le « la » à grand renfort de mensonges, il fut convenu de soutenir la thèse d’une Afrique ayant accédé à l’indépendance parce qu’elle la souhaitait ardemment. La polémique, car il en faut bien une, portant sur la question de savoir jusqu’à quel point le général de Gaulle anticipa sur la demande, ou bien s’il céda sous la pression des foules…

Bien sûr, de telles sornettes défient toute intelligence historique (voir en particulier nos articles sur la Loi 60-525, l’Affaire gabonaise, Aimé Césaire ou Claude Lévi-Strauss). Et dans ce dispositif, le cerveau des uns et des autres, en coulisses, s’effare de plus en plus de l’ampleur de l’hypocrisie, de l'audace dans l'art de mentir. En particulier dans les milieux bien renseignés de la presse française et africaine, on sait parfaitement à quoi s’en tenir. Alors à force, ça suinte. Et prend la forme de documentaires au vitriol, sur Charles de Gaulle ou sur la Françafrique, récemment diffusés sur France Télévision…

Peu à peu, par petites touches, s’esquisse le début de la vérité, malgré le poids énorme de la loi du silence.

Pourtant, comme l’a prouvé le Cinquantenaire des Indépendances africaines, si le mensonge se délite et vacille sur ses fondations vermoulues, il tient encore debout. Le général de Gaulle servant de clef de voûte, d’ailleurs particulièrement renforcé, jour après jour, à grands coups de propagande et d’hagiographie, et ce malgré les (ou en réponse aux) puissantes attaques dont le grand homme fait l’objet en sous-main. Tandis que les Harkis, victimes emblématiques de la cruauté et de la folie gaulliennes en 1962, réclament justice à l’Etat. Nicolas Sarkozy cette fois dans le rôle du parjure.

Répétons-le aux oreilles du grand public : les sphères qui gouvernent la France et l’Afrique savent que l’histoire officielle « bisounours » avec de Gaulle « grand Zorro » est une imposture dont le peuple n’est dupe qu’au prix d’une invraisemblable machination d’ampleur internationale, entre propagande, grossière mythologie et lavage de cerveau. Or ce château de carte va bientôt s’écrouler, tout simplement parce qu’il ne tient plus debout. Et ce grand travail passe, en France et en Afrique francophone, par le déboulonnement de la statue du Commandeur, qui pour l’heure fait encore office de verrou.

C’est pour apporter notre petit tour de clef que Raphaël Tribeca et moi-même avons décidé de publier La République inversée (Ed. L'Harmattan). Histoire, à notre modeste échelle, de tout mettre sur le tapis à mi-chemin, en ce début d’année 2011. Afin d’accompagner et de renforcer, autant que possible, le grand mouvement qui s’ébauche, et devrait conduire à une révolution idéologique, et il faut le croire, politique, d'une ampleur exceptionnelle.

Car après 2011, comme en écho à l’année 2010, mais en plus fort, viendra 2012, Cinquantenaire de l’indépendance algérienne, que doublera l’année présidentielle en France. Tout un programme – Harkis, Africains et autres Français en embuscade…

Bonne année 2011 à tous !

Alexandre Gerbi





Libellés : , , , , , , , , , , , , , , ,