16 nov. 2008

Après l'élection de Barack Obama

Après l'élection de Barack Obama
.
.
.
Il faut lever le voile
.
sur la plus grande imposture
.
de l’Histoire de France
.
.
par
.
Alexandre Gerbi
.
.
.
L’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis jette une lumière glaciale sur l’Histoire de France.

Il y a un demi-siècle, tandis que l’affaire Rosa Parks confrontait l’Amérique ségrégationniste à la révolte noire, la France pouvait passer pour un modèle à suivre : le deuxième personnage de l’Etat, le président du Sénat, était un Noir guyanais, Gaston Monnerville, tandis que d’autres « hommes de couleurs » avaient, depuis longtemps, assumé parmi les plus hautes fonctions de la République. Dans les années 1930, Blaise Diagne avait été secrétaire d’Etat, Gratien Candace vice-président de la Chambre des députés, Félix Eboué gouverneur du Tchad, puis de l’Afrique Equatoriale Française (AEF). Après la Seconde Guerre mondiale, la France continua d’être à l’avant-garde : en 1946, Léopold Sédar Senghor participa à l’élaboration de la Constitution, tandis qu’au cours de la décennie suivante, Félix Houphouët-Boigny fut ministre puis ministre d’Etat, Hamani Diori et Mamadou Konaté vice-présidents de l’Assemblée nationale. Cette liste n’est pas exhaustive, et permet de comprendre qu’à l’époque, comme l’a noté Patrick Lozès, président du CRAN, les Noirs d’Amérique regardaient la France comme une terre d’espoir.

Cinquante ans plus tard, chacun l’observe, les rôles semblent s’être diamétralement inversés. Face à une Amérique qui prend pour président un homme « noir » (selon les critères états-uniens…), l’Assemblée nationale française n’accueille qu’au compte-gouttes les Noirs dans ses travées.

Mais ce constat ne suffit pas. Encore faudrait-il se demander pourquoi, depuis un demi-siècle, une telle régression s’est accomplie dans notre pays.

Or, cette question, bien peu de monde semble décidé à se la poser, et surtout à y répondre. Et pour cause ! C’est tout le « Système » de la Ve République – totalité des partis politiques, quasi-totalité des intellectuels, grands médias, université, programmes scolaires – qui est compromis dans cette affaire. Parfois, il est vrai, en toute bonne foi, c’est-à-dire par ignorance…


Explication.

Le régime sous lequel nous vivons, la Ve République, est fondé sur une gigantesque imposture à caractère antirépublicain et antidémocratique, dont les Français noirs comptent parmi les premières victimes.


L’indépendance de l’Afrique subsaharienne, systématiquement présentée par l’école, les médias, les intellectuels et la classe politique, comme le triomphe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, autrement dit comme le fruit de la volonté des Africains, fut, en réalité, essentiellement décidée par Paris, contre la volonté profonde des Africains. En phase avec la majorité de la classe politique métropolitaine toutes tendances confondues, le général de Gaulle, fondateur de la Ve République, estimait insensé d’accorder aux Africains l’égalité politique pleine et entière qu’ils revendiquaient, et au nom de laquelle nombre d’entre eux étaient morts pour la France pendant les deux guerres mondiales.

Or, pour revenir aux affaires en mai-juin 1958 et justifier les moyens qui le lui permirent – en particulier un semi-putsch militaire –, de Gaulle prétendit vouloir sauver la France de l’abîme politique et moral où la conduisait l’aveuglement de la IVe République. La nature de cet aveuglement, selon lui ? Le refus de l’octroi de l’égalité politique, pour commencer, aux Arabo-Berbères d’Algérie. Qu’on ose relire le discours de Mostaganem du 6 juin 1958, y compris son appel du pied aux Noirs africains !
.
De fait, la Constitution de 1958, approuvée par 80% des Français, se solda par l’instauration de l’égalité politique en Algérie, entraînant l’entrée de 46 députés arabo-berbères au Palais Bourbon, dont le Bachaga Boualam devint l’un des vice-présidents. Qui se souvient de tout cela, aujourd’hui, en France ?

Mais en réalité, cette politique révolutionnaire, le général de Gaulle y était totalement opposé.

Tout en faisant mine de bâtir l’unité égalitaire franco-africaine, il s’employa donc à la détruire, en commençant par bouter l’Afrique noire hors de la République.

Dans cette entreprise, le Général savait qu’il devrait vaincre les résistances africaines, dont les représentants, placés au plus haut niveau de l’Etat (notamment Félix Houphouët-Boigny, ministre d’Etat en 1958), avaient protégé leurs positions, par des clauses démocratiques inscrites au cœur des textes institutionnels. Pour accomplir son projet, le général de Gaulle dut donc passer outre la Constitution, quitte à provoquer quelques vagues…

Dans un précédent article, j’ai évoqué l’affaire gabonaise. Violant l’article 76 de la Constitution, le président de Gaulle refusa la départementalisation demandée par le Gabon, de peur de créer une réaction en chaîne à travers le continent.

Plus grave encore fut la Loi 60-525 dont, pour ainsi dire, aucun livre d’histoire ne fait mention…

Votée en mai-juin 1960, la Loi 60-525 violait la Constitution sur au moins quatre points essentiels, dans son esprit aussi bien que dans sa lettre. D’abord parce qu’elle privait les populations africaines du droit à l’autodétermination sur la question de l’indépendance. Mais également parce qu’elle fut votée selon des voies anticonstitutionnelles. C’est pour cette dernière raison que le Conseil d’Etat émit un avis défavorable (26 avril 1960), et que Vincent Auriol, ancien président de la IVe République et, à ce titre, membre de droit du Conseil Constitutionnel, démissionna (25 mai 1960) en plein vote de la Loi.

Aux objections du Conseil d’Etat, le gouvernement répondit en substance que cette loi visait à prémunir la Communauté franco-africaine contre tout risque d’éclatement, et à renforcer le caractère démocratique de ses institutions. Dans les faits, cette loi – par le biais d’un demi-alinéa (!) étrangement subreptice au regard de l’ampleur de ses conséquences – privait les populations africaines du droit à l’autodétermination. Dès les mois suivants, elle se solda par la dislocation de la Communauté franco-africaine : la totalité des territoires d’Afrique accédèrent à l’indépendance sans que leurs populations puissent entraver, par leurs votes, le processus. Dès l’été 1960, démonstration fut donc faite que la réponse du gouvernement au Conseil d’Etat était intégralement fallacieuse.


La Ve République, créée sous prétexte d’accomplir une révolution égalitaire, a réalisé un programme exactement inverse, en stricte trahison des mandats reçus du peuple. A la place de l’égalité entre tous les citoyens, au prix de multiples violations de la Constitution, la partition de l’ensemble franco-africain fut organisée. D’un côté, les Blancs, promis à l’opulence matérielle ; de l’autre, les « Nègres » et autres « Bougnoules », voués aux affres du néocolonialisme, du sous-développement et de la tyrannie, que l’instauration de l’égalité réelle eût interdits. Un véritable apartheid organisé à l’échelle intercontinentale, au nom de la préservation de l’identité blanche, gréco-latine et chrétienne de la France. Mais aussi de la performance économique de l’Hexagone, à laquelle les Africains étaient jugés définitivement incapables de participer…

Habileté suprême, l’indépendance imposée aux Africains, bien que décidée par Paris – avec la bénédiction de Washington… – au gré des préjugés les plus réactionnaires et de vils calculs, fut présentée comme le triomphe des idées progressistes, de la liberté, de la modernité politique et, ironie suprême, de la volonté des Africains ; réciproquement, les partisans de l’unité franco-africaine, les défenseurs de l’égalité par delà les races dans la République démocratique et sociale, furent présentés au mieux comme de doux rêveurs, au pire comme d’absurdes « nostalgiques de l’ Empire », voire comme d’infâmes et dangereux fascistes. Menaces à l’appui, bénéficiant du renfort des gauches stalinienne, trotskiste et sartrienne, cette rhétorique imposa à chacun de rentrer dans le rang, en France comme en Afrique. Ainsi le mensonge tient depuis cinquante ans et demeure, aujourd’hui encore, solidement protégé.

En l’an 2008, alors que l’Amérique se dote d’un président métis, les Noirs sont en France essentiellement absents des grands corps de l’Etat. Ceux qui s’en étonnent méconnaissent l’histoire de notre régime. S’ils ouvraient les yeux, ils ne s’étonneraient pas d’un tel état de fait. Au contraire, ils trouveraient tout cela parfaitement logique, et même remarquablement conséquent. Puisqu’il s’agit là du fondement même de la Ve République gaullienne.

Mais chut ! Il ne faut pas critiquer le plus grand homme de l’Histoire de France…


Alexandre Gerbi

Libellés : , , , , , ,