6 oct. 2018

Zemmour et Polony ou La mise en évidence de l'incohérence (majuscule et délétère) du Système



Zemmour et Polony

 ou 

La mise en évidence de l'incohérence 
(majuscule et délétère) du Système




par

Alexandre Gerbi




Depuis de nombreuses années, Eric Zemmour suscite des polémiques enflammées, très révélatrices des incohérences et des impasses idéologiques qui sapent la France depuis des décennies. Et conduisent le Pays à la catastrophe.



Ses ennemis le répètent à l'envi : l'auteur de Destin français (Albin Michel, 2018) serait un représentant de l'extrême droite la plus nauséabonde, et ses positions seraient par conséquent incompatibles avec l'esprit républicain. Dernier scandale en date, l'affaire du prénom d'Hapsatou Sy, « une insulte à la France » selon Zemmour sur le plateau de Salut les Terriens de Thierry Ardisson (scène censurée par la production).

Or il semble échapper à la totalité des détracteurs de Zemmour, et bien que ce dernier la cite régulièrement depuis des années, que l'affirmation que la France soit « avant tout un peuple de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne » est une des idées directrices de Charles de Gaulle. Une idée qui n'est pas restée qu'une vague lubie dans l'esprit du vieux militaire, puisqu'elle est fondatrice de la Ve République. 

En effet, de l'aveu même du Général, entre 1960 et 1962, le largage des territoires d'Afrique noire puis de l'Algérie (ou plutôt de leurs populations, car la plupart des anciennes colonies sont longtemps restées « sous contrôle » et le sont parfois encore...), répondit à cet impératif. Ceci alors que le même Général avait, quelques années plus tôt, justifié son retour au pouvoir, et les moyens employés pour y parvenir - à savoir un coup d'Etat militaire (mai-juin 1958) et le renversement de la IVe République -, par l'octroi de l'égalité politique aux populations d'outremer - le fameux « Je vous ai compris ! », tiré d'un discours que chacun serait bien inspiré de relire en totalité et sans oeillères. Un véritable tête-à-queue politique et idéologique que notre époque, hormis Zemmour et quelques-uns, a totalement oublié, et enseveli sous un antiracisme ostentatoire dont la tartufferie n'a d'égal que l'ampleur de l'amnésie.

Depuis soixante ans, une rhétorique bien huilée, relayée par la droite comme par la gauche (politiques, historiens, intellectuels), a permis d'occulter les causes fondamentales, civilisationnelles et racialistes, de l'abandon des territoires de l'Outre-Mer africain. Il est vrai que pareils motifs n'étaient guère avouables d'un point de vue républicain. Habilement, comme l'avait bien anticipé Germaine Tillion dans son remarquable ouvrage L'Algérie en 1957, l'alibi de l' « anticolonialisme » au nom du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes », orchestré à l'époque par Washington, Moscou et l'ONU, a été endossé par l'Elysée, qui l'a mis sans cesse en avant à l'aide de ses relais médiatiques et intellectuels. En réalité, les indépendances organisées par le Général appuyé par les puissants réseaux états-uniens et soviétiques en France, avaient pour but essentiel, du point de vue gaullien, de préserver le « corps français » des périlleux mélanges que l'octroi de l'égalité politique, revendiquée par la plupart des élites ultramarines, eût entraînés. Ces indépendances, souvent de façade, ont également permis d'organiser le néocolonialisme, avec à la clef la paupérisation des masses africaines (Germaine Tillion parlait de « clochardisation »), en même temps que leur basculement, presque toujours, dans des régimes dictatoriaux et antidémocratiques (également annoncés par Germaine Tillion). Avec pour corollaire une explosion démographique qui, couplée à la misère de masse, et, ce qui est plus enfoui encore, l'amour refusé de l'ancienne patrie française, a conduit d'innombrables Africains et Arabo-Berbères à venir chercher dans l'ex-métropole un salut économique et social qu'ils ne trouvaient plus chez eux.

Cette opération aux conséquences politiques, économiques et sociales gigantesques, se trouve être fondatrice de la Ve République, et à l'origine de la plupart des maux contemporains. Au prix d'une véritable imposture, d'un lavage de cerveau doublé d'une mémoire artificielle d'un rare manichéisme, charriant la haine de la France chez les anciens colonisés, notamment dans la jeunesse des banlieues françaises. Un cocktail dont j'ai expliqué depuis plus de dix ans, prêchant souvent dans le désert, les mécanismes et les enjeux dans de nombreux ouvrages et articles.


Cohérence zemmourienne et incohérence polonyenne

Quoi qu'on pense des positions d'Eric Zemmour, elles ont le mérite de la cohérence. 

Cohérence de Zemmour avec lui-même, mais aussi, surtout, avec l'idéologie gaullienne fondatrice, quoique toujours tenue sous le boisseau à cette heure, de la Ve République. Au fond, et pour le dire plus simplement, Zemmour est un vrai gaulliste ; à telle enseigne qu'il ne fait aucun doute, pour qui a étudié sérieusement la pensée du Général, que celui-ci approuverait absolument les positions zemmouriennes, tant au sujet des prénoms, de l'immigration que de l'islam. 

On ne peut pas en dire autant de ses détracteurs. Leurs indignations peuvent en effet stupéfier par leur incohérence. Entre autres exemples (ils sont trop nombreux), comment une analyste comme Natacha Polony, qui se targue d'être cultivée, honnête et rigoureuse, peut-elle condamner Zemmour tout en se réclamant simultanément, dès que l'occasion se présente, avec des trémolos dans la voix, du gaullisme ? Comment la nouvelle directrice de Marianne, ex-chevènementiste, peut-elle louer l'indépendance algérienne, justifiée par la supposée incompatibilité des Arabo-Berbères et des Français de souche (en 2008, sur France Culture, Jean-Pierre Chevènement expliquait que « ces deux peuples n'étaient pas miscibles »), et approuver l'installation en France de millions de Maghrébins et autres Subsahariens - le « grand remplacement » dans le vocabulaire de Renaud Camus repris par Eric Zemmour (1) ? Comment Polony peut-elle, gaulliste, reprocher à Zemmour d'être obsédé et vent debout contre ce phénomène que le Général avait cherché à conjurer à tout prix, c'est-à-dire au prix de l'Outre-Mer franco-africain ? 

On a le droit d'être gaulliste en l'an 2018. Mais il faut simplement se mettre d'accord avec soi-même.

Ou bien l'on glorifie le Général, sa hauteur de vue, sa sagesse politique, et dans ce cas on ne peut que condamner le métissage massif de la France avec des populations extra-européennes ni blanches, ni gréco-latines, ni chrétiennes.

Ou bien l'on glorifie l'avènement de la France de la « diversité » émancipée d'une identité européenne exclusive, mais dans ce cas, il faut condamner sans appel non seulement l'idéologie du Général, mais aussi les choix politiques qui en ont découlé : en particulier la mise au ban de la République des territoires africains et de leurs populations. 

Or cette clarification n'a jamais eu lieu et ne semble pas à l'ordre du jour. Ainsi le Tout-Paris médiatique et politique peut se permettre, en permanence, de faire le grand écart, en chantant à longueur de temps, et simultanément, les gloires de Charles de Gaulle et celles du métissage ethnique et culturel de la France. Le mérite de Zemmour est de mettre en évidence, sans qu'il le veuille d'ailleurs vraiment lui-même, ces insoutenables et dissolvantes contradictions. 

Alexandre Gerbi


(1) Dans l'émission Salut les Terriens du 16 septembre 2018, Natacha Polony s'est opposée à Eric Zemmour lorsqu'il dénonça l'africanisation du quartier parisien Château Rouge, en illustration du très controversé « grand remplacement ».