Vous avez dit "inversion des
rôles", vous avez dit "monde à l'envers" ?
En tout cas, l'échange est édifiant : Edwy Plenel (Mediapart) conteste le
racisme de De Gaulle contre Alexis Brézet (Le Figaro) !
A partir de la minute 15'55 et suivantes :
Or contrairement à ce qu'affirme
Plenel, les sources au sujet du racisme de De Gaulle ne se résument pas à Alain
Peyrefitte dans son livre C'était de
Gaulle (Fayard, 1994).
Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : Olivier Todd, dans Albert Camus, une vie (Gallimard, 1999),
note que le Général aurait répondu à l’auteur de L’Etranger qui réclamait une politique de justice et de démocratie
en Algérie : « Nous aurions
cinquante bougnoules à la Chambre ». Dans La Tragédie du Général (Plon, 1967), J.
R. Tournoux explique : « De Gaulle en tombe bien d'accord : quelque
45 millions de Français ne peuvent absorber dix millions d'Infidèles. Sous les
effets conjugués de la démographie galopante des Musulmans et des conséquences
de l'intégration, la France ne serait plus la France. "Voulez-vous être bougnoulisés ?" interroge de Gaulle. Au député Raymond Dronne – le capitaine
Dronne qui entra, le premier dans Paris, en août 1944, à la tête de ses chars –
le Général lancera bientôt, en défi, la question : "Vous, donneriez-vous
votre fille à marier à un Bougnoul
? » Toujours selon JR
Tournoux, cette fois face au député Léon Delbecque, De Gaulle interroge : « Vous nous voyez mélangés avec des
Musulmans ? Ce sont des gens différents de nous. Vous nous voyez mariant nos
filles avec des Arabes ? » Jacques Foccart, dans ses
mémoires, Tous les soirs avec De Gaulle.
Journal de l’Elysée, 1965-1967 (Fayard, 1997), se rappelle cette sortie
exaspérée du Général : « Vous
savez, cela suffit comme cela avec vos Nègres, vous me gagnez à la main :
alors, on ne voit plus qu’eux. Il y a des Nègres à l’Elysée tous les jours,
vous me les faites recevoir, vous me les faites inviter à déjeuner. Je suis
entouré de Nègres ici (…) Cela fait
très mauvais effet à l’extérieur. On ne voit que des Nègres tous les jours à
l’Elysée. Et puis je vous assure que c’est sans intérêt. »
Il n’est pas étonnant de trouver
pareilles conceptions dans la tête du Général, quand on sait que De Gaulle
était, selon la formule de Pierre Viansson-Ponté, « un officier de filiation nationaliste et conservatrice, voire
monarchiste », grand admirateur de Barrès et de Maurras, et que les
sombres pensées qui l'habitaient présidèrent à sa politique de
« dégagement » en Afrique subsaharienne et en Algérie, comme je l'ai
montré dans Histoire occultée de la
décolonisation franco-africaine (L'Harmattan, 2006)...
Cette apparente inversion des rôles entre Plenel et Brézet démontre que
l'hypocrisie, et les protections qui vont avec, dont bénéficie encore
aujourd'hui le Général, ne sont pas le monopole de la droite : la gauche joue
aussi (comme elle l'a fait par le passé, et depuis longtemps...) un rôle
important dans l'imposture...
Evidemment, Plenel, totalement dupe, pendant sa jeunesse et une grande partie
de sa vie de journaliste (et manifestement jusqu'à aujourd'hui...), des vrais
motifs du largage de l'Afrique, ne peut assumer une vérité qui dérange et en
ferait rétrospectivement, si d’aventure elle triomphait, un beau dindon de la
farce et un sacré gogo. C'est-à-dire un complice (à son corps défendant, bien
sûr...) du largage raciste, religieux et civilisationnel des Africains et
autres Algériens, mais aussi, de là, du processus qui rendit possible le
néocolonialisme, avec son cortège de tyrannie, de massacres, de bourrage de
crâne nationaliste, et de catastrophes sociales. Sans parler, à terme, de
l’abaissement économique, politique et moral de la République et de la France...
Pauvre Edwy Plenel !