18 sept. 2013

Pauvre Edwy Plenel !





Pauvre Edwy Plenel !



par

Alexandre Gerbi




  Vous avez dit "inversion des rôles", vous avez dit "monde à l'envers" ?

   En tout cas, l'échange est édifiant : Edwy Plenel (Mediapart) conteste le racisme de De Gaulle contre Alexis Brézet (Le Figaro) !

   A partir de la minute 15'55 et suivantes :


   Or contrairement à ce qu'affirme Plenel, les sources au sujet du racisme de De Gaulle ne se résument pas à Alain Peyrefitte dans son livre C'était de Gaulle (Fayard, 1994).

   Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : Olivier Todd, dans Albert Camus, une vie (Gallimard, 1999), note que le Général aurait répondu à l’auteur de L’Etranger qui réclamait une politique de justice et de démocratie en Algérie : « Nous aurions cinquante bougnoules à la Chambre ». Dans La Tragédie du Général (Plon, 1967), J. R. Tournoux explique : « De Gaulle en tombe bien d'accord : quelque 45 millions de Français ne peuvent absorber dix millions d'Infidèles. Sous les effets conjugués de la démographie galopante des Musulmans et des conséquences de l'intégration, la France ne serait plus la France. "Voulez-vous être bougnoulisés ?" interroge de Gaulle. Au député Raymond Dronne – le capitaine Dronne qui entra, le premier dans Paris, en août 1944, à la tête de ses chars – le Général lancera bientôt, en défi, la question : "Vous, donneriez-vous votre fille à marier à un Bougnoul ? » Toujours selon JR Tournoux, cette fois face au député Léon Delbecque, De Gaulle interroge : « Vous nous voyez mélangés avec des Musulmans ? Ce sont des gens différents de nous. Vous nous voyez mariant nos filles avec des Arabes ? » Jacques Foccart, dans ses mémoires, Tous les soirs avec De Gaulle. Journal de l’Elysée, 1965-1967 (Fayard, 1997), se rappelle cette sortie exaspérée du Général : « Vous savez, cela suffit comme cela avec vos Nègres, vous me gagnez à la main : alors, on ne voit plus qu’eux. Il y a des Nègres à l’Elysée tous les jours, vous me les faites recevoir, vous me les faites inviter à déjeuner. Je suis entouré de Nègres ici (…) Cela fait très mauvais effet à l’extérieur. On ne voit que des Nègres tous les jours à l’Elysée. Et puis je vous assure que c’est sans intérêt. »

   Il n’est pas étonnant de trouver pareilles conceptions dans la tête du Général, quand on sait que De Gaulle était, selon la formule de Pierre Viansson-Ponté, « un officier de filiation nationaliste et conservatrice, voire monarchiste », grand admirateur de Barrès et de Maurras, et que les sombres pensées qui l'habitaient présidèrent à sa politique de « dégagement » en Afrique subsaharienne et en Algérie, comme je l'ai montré dans Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine (L'Harmattan, 2006)...

   Cette apparente inversion des rôles entre Plenel et Brézet démontre que l'hypocrisie, et les protections qui vont avec, dont bénéficie encore aujourd'hui le Général, ne sont pas le monopole de la droite : la gauche joue aussi (comme elle l'a fait par le passé, et depuis longtemps...) un rôle important dans l'imposture...

   Evidemment, Plenel, totalement dupe, pendant sa jeunesse et une grande partie de sa vie de journaliste (et manifestement jusqu'à aujourd'hui...), des vrais motifs du largage de l'Afrique, ne peut assumer une vérité qui dérange et en ferait rétrospectivement, si d’aventure elle triomphait, un beau dindon de la farce et un sacré gogo. C'est-à-dire un complice (à son corps défendant, bien sûr...) du largage raciste, religieux et civilisationnel des Africains et autres Algériens, mais aussi, de là, du processus qui rendit possible le néocolonialisme, avec son cortège de tyrannie, de massacres, de bourrage de crâne nationaliste, et de catastrophes sociales. Sans parler, à terme, de l’abaissement économique, politique et moral de la République et de la France...

   Pauvre Edwy Plenel !


Alexandre Gerbi