24 janv. 2019

Gilets Jaunes : La Marseillaise, Macron et les cinq axes de la Révolution


Gilets Jaunes : 

La Marseillaise, Macron 

et les cinq axes de la Révolution 


par 

Alexandre Gerbi 


La Marseillaise accompagne le mouvement des Gilets Jaunes depuis le premier jour. Beaucoup y ont vu une marque de patriotisme encore vivace dans les milieux populaires, tandis que ce sentiment a souvent disparu chez les « élites ». C’est sans doute vrai. Mais c’est oublier qu’avant d’être un hymne national, le « tube » de Rouget de l’Isle est surtout le chant révolutionnaire par excellence. Et ce bien au-delà des frontières de la France. Tout au long du XXe siècle, une grande partie des révolutions autour du globe se sont faites au son d’« Aux armes, citoyens ! ». Depuis la révolution de 1917, où La Marseillaise était chantée dans la version russe bien davantage que L’Internationale, jusqu’à la révolution chinoise (manquée) de 1989 sur la place Tian’anmen (où elle fut chantée en français par les manifestants), en passant par la République espagnole en 1931 et le Chili d’Allende. Le général Giap lui-même, le vainqueur de Diên Biên Phu, l’entonna avec émotion, le 14 juillet 1989, à l’ambassade de France d’Hô-Chi-Minh-Ville, l’ancienne Saïgon… 

Parmi les poncifs de l’heure, il est commun ces temps-ci d’entendre que les Gilets Jaunes seraient probablement rentrés dans leurs foyers si, au lieu de leur opposer un silence entrecoupé d’injures, le gouvernement Macron-Philippe avait d’emblée lâché du lest sur la taxe gazole, la CSG et le SMIC. Rien n’est moins sûr. Et le croire, c’est risquer de prendre les Gilets Jaunes pour plus légers qu’ils ne le donnent à voir depuis maintenant plus de deux mois. Comme l’indique La Marseillaise scandée par les foules sur les ronds-points et dans les manifs, le mouvement qui soulève d’enthousiasme la grande majorité du Pays depuis dix semaines est bien plus qu’une révolte fiscale : il est l’expression d’un immense et profond ras-le-bol à l’égard du Système, et d’une volonté d’en finir avec lui. Par une véritable Révolution. 

Mais de quelle Révolution s’agit-il exactement ? 

A ce stade, il est possible de distinguer plusieurs degrés dans le vaste projet des Gilets Jaunes. Les énoncer, c’est montrer combien Macron est à côté de la plaque, lorsqu’il prétend organiser un débat sagement cadré sur quelques questions triées sur le volet. Car l’objectif que se sont donné les Gilets Jaunes, c’est rien moins que de redessiner de fond en comble le visage politique et idéologique de la France. Ces degrés de la revendication, ou de la Révolution, sont au nombre de cinq. 

Les cinq degrés de la Révolution des Gilets Jaunes 

Premier degré : Rupture avec l’arnaque macronienne. A savoir : abolir l’ensemble des mesures iniques prises par Macron touchant aux taxes et impôts nouveaux, et aux aides sociales indûment supprimées. Mais aussi mettre un coup d’arrêt et inverser le démantèlement des services publics et de proximité à l’œuvre dès avant Macron, de la fermeture des bureaux de poste à celle des tribunaux en passant par les hôpitaux, les maternités, etc. dont la disparition contribue à l’appauvrissement, à la dégradation de la qualité de vie et à la désertification de la France dite périphérique. 

Deuxième degré : Rupture avec la confiscation de la démocratie. A savoir, restaurer la souveraineté populaire, en particulier par le truchement du RIC en toutes matières, afin de rendre au peuple la souveraineté suprême que lui confère la Constitution. Evidemment, dans cet esprit, il faut aussi rétablir la représentativité de l’Assemblée Nationale défigurée par le mode de scrutin majoritaire, comme il faut rétablir les conditions de l’indépendance de la presse aujourd’hui domestiquée par les milliardaires et par l’État, afin de restaurer la presse dans son indépendance. Condition indispensable pour que celle-ci puisse exercer son rôle de contre-pouvoir, au service de l’information et du débat pluraliste, in fine au service du bon fonctionnement de la démocratie et non de la dictature de l’oligarchie. 

Troisième degré : Rupture avec la trahison des intérêts du Pays, du peuple, et de la vertu républicaine. A savoir : Fin du bradage des intérêts industriels (affaires Arcelor, Alstom, etc.), des privatisations scandaleuses (autoroutes, aéroports, etc.), de la dilapidation voire du vol pur et simple des trésors patrimoniaux (palais Clam-Gallas de Vienne, disparitions de centaines d’objets dans les collections nationales, etc.). Fin de la corruption et de l’impunité ou de la quasi-impunité qui la favorise (dont l’hallucinante affaire Cahuzac). Fin de la soumission de la politique et de la diplomatie françaises aux Etats-Unis via le réseaux des Young Leaders (French American Foundation) qui quadrillent l’échiquier de Juppé à Macron en passant par Hollande et Philippe (pour s’en tenir à un minuscule échantillon). Fin également de la soumission à l’ultralibérale, ultratechnocratique et antidémocratique Union Européenne. En un mot : retour de la France dans sa souveraineté et son indépendance. 

Quatrième degré : Rupture avec la logique liberticide érigée en alibi du racket tous azimuts, consistant à rogner sans cesse et apparemment sans limites, au gré d’arguments spécieux, les libertés individuelles, le tout pour mieux faire les poches des Français. A savoir : en finir avec les radars partout et leur déferlement d’amendes à prix exorbitants, la limitation souvent absurde à 80 km/h (sans parler d’autres limitations de vitesse à la pertinence tout aussi douteuse), les cigarettes à des prix tels qu’ils détruisent le budget du smicard accro à la cigarette, l’alcoolémie au volant absurdement basse, etc. Bref, rappeler le statut sacré de la liberté, tandis que les mêmes résultats (baisse de la mortalité routière, tabagique, etc.) pourraient être atteints par d’autres moyens que ces mesures liberticides, à commencer par l’information et la responsabilisation citoyenne. La France et les Français étouffent sous les carcans sans cesse ajoutés, d’autant plus insupportables qu’ils révèlent l’incroyable mépris dans lequel les décideurs tiennent le petit peuple, entre déni d’intelligence et condescendance totalement dépourvue d’empathie. 

Cinquième degré : Rupture avec la dictature de la bienpensance, dont les conséquences, les effets pervers frappent le peuple de plein fouet tandis que les décideurs s’en préservent prudemment. A savoir : faire litière de l’idéologie délétère fabriquée par la Ve République (sa classe politique, ses médias, ses « intellectuels » dévoyés et stipendiés, ses vedettes décérébrées et boboïsées) qui traite en permanence les Français de racistes et criminalise l’histoire de France, en particulier celle de la colonisation, tout en victimisant jusqu’à l’absurde les immigrés. Ces mêmes immigrés dont la Ve République, en ses origines, a mis les aïeux au ban de la France, en les dépouillant de la nationalité française entre 1958 et 1962 par le truchement de la criminelle pseudo-décolonisation accomplie par Charles de Gaulle (porté aux nues par le Système...), lequel trahit le mandat reçu du peuple en larguant l’outre-mer africain et les départements d’Algérie. Pour masquer cette réalité honteuse, De Gaulle fit raconter une histoire mensongère de la décolonisation (le fameux « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » en réalité foulé aux pieds), tandis que ses successeurs promurent une histoire manichéenne de la colonisation réduite à ses crimes, récits fallacieux répandus ad nauseam. Ce faisant, le largage gaullien de l’Outre-Mer africain avait condamné du même coup la France à devenir un pays de second plan économiquement et politiquement, tout en enclenchant les logiques de haine antifrançaise chez les anciens colonisés. Logiques de haine dont nous constatons les désastres aujourd’hui. A ce double lavage de cerveaux (mémoire d’amour effacée et mémoire manichéenne fabriquée) s’ajouta enfin le dénigrement des Français, mais aussi l’antiracisme à la Tartuffe, qui visaient (et visent encore) de la part du Système à masquer ses ignominies et ses trahisons en donnant au peuple français le rôle du bouc émissaire. Une propagande délétère qui, s’ajoutant à l’immigration débridée (érigée elle aussi en alibi antiraciste tout en servant les intérêts du grand capital), contribua à l’échec de l’intégration de centaines de milliers voire de millions de Français issus de l’ancien empire colonial (Maghreb et Afrique subsaharienne), sans rien résoudre des problèmes de l’Afrique rongée par le néocolonialisme, et sema dans les banlieues la haine de la France et des Français (identifiés aux « Blancs », oui, on en est là…). Jusqu’à provoquer la désintégration et finalement, tout obstacle étant levé, le triomphe de l’obscurantisme islamiste sur fond de sécession civilisationnelle des banlieues constituées en Etats dans l’Etat. 

Tout cela, cet enchevêtrement complexe de mensonges aux effets pervers et catastrophiques, les Gilets Jaunes le voient, le sentent, fût-ce confusément (ce qui est déjà beaucoup, comparé à l’aveuglement complet des prétendues « élites »). Tout comme ils observent avec effarement le laxisme judiciaire, années après années, libérer des criminels ou les condamner à des peines dérisoires au regard de leurs méfaits et du danger qu’ils représentent, privant du même coup la société du garde-fou dont la justice joue en principe le rôle. Ainsi d’innombrables jeunes se trouvent précipités dans la délinquance, tandis qu’une plus grande rigueur des juges les aurait certainement maintenus dans le droit chemin, celui de l’intégration à la société par l’effort, la réussite scolaire et le travail. Mais aussi par le sentiment d’appartenance à une nation aimée (la France) et à un peuple également aimé (le peuple français, par delà les races et les religions, mais réuni autour de sa culture, une culture plus que toute autre ouverte au monde et d’ailleurs volontiers fécondée par lui, comme elle l’a prouvé depuis bien longtemps dans ses arts, sa littérature, bref, sa civilisation). 

Ressusciter l’histoire fraternelle et glorieuse de la France et des Français, en finir avec les manipulations criminelles, la trahison dont se sont rendues coupables les « élites », et remettre le bon sens aux commandes de l’idéologie : ce sont là les deux faces d’une même médaille dont les Gilets Jaunes sont porteurs, pour le salut du peuple et du Pays, et sans doute au-delà... 

« Ce peuple de feu... » 

On le voit, c’est bien une Révolution que les Gilets Jaunes ont entrepris d’accomplir. Une Révolution dans le droit fil des Lumières et de l’humanisme, de la démocratie et de l’esprit républicain dont ils sont les héritiers et les tenants, grâce à la mémoire de la France qu’ils ont bien mieux conservée, au fond de leur âme et de leurs cœurs, que les bourgeoisies, les « bac+12 » et les soi-disant « élites » mondialisées, hors-sol et déracinées, cyniques et imbues de leurs faux savoirs. Bien loin des procès en fascisme, en racisme et en antisémitisme (excusez du peu…) qu’un pouvoir félon leur intente jour après jour, depuis deux mois ; un procès infâme qui, du reste, s’inscrit lui aussi dans le droit fil des tombereaux d’ordure que le Système déverse sur la tête du peuple depuis des décennies, pour mieux masquer ses propres turpitudes, ses propres ignominies. 

Car le peuple français, dans ses tréfonds, est l’exact opposé de ce tableau funeste. A telle enseigne que depuis de très nombreuses années, ce peuple de France, lorsqu’on l’interroge sur ses personnalités préférées, place régulièrement des Noirs, des Arabes, des Juifs en tête du classement. Peu de peuples dans le monde pourraient en dire autant. Or ceci ne doit rien au hasard. C’est que le peuple français – contrairement à une bonne partie de ses « élites » qui l’insultent et feraient bien de balayer d’abord devant leur porte – est un vieux peuple républicain et humaniste, généreux et fraternel, dont Léopold Sédar Senghor, qui le connaissait bien, pouvait dire : « Je sais que ce peuple de feu, chaque fois qu’il a libéré ses mains / A écrit la fraternité sur la première page de ses monuments / Qu’il a distribué la faim de l’esprit comme de la liberté / À tous les peuples de la terre conviés solennellement au festin catholique. » C’est, ni plus, ni moins, ce que font les Gilets Jaunes. 

Cela, Macron, comme tous ceux qui lui ressemblent et le protègent, n’y a rien compris. Pas plus qu’il n’a compris, ou ne veut, ou ne peut comprendre, ce que veulent les Gilets Jaunes. Et qu’ils obtiendront. Tôt ou tard. De gré ou de force. Comme les paroles de La Marseillaise l’expliquent d’ailleurs très bien... 

Alexandre Gerbi