29 févr. 2020

Eclairage sur le cas Dominique Sopo : entre duplicité et tartufferie, au service du Système



Eclairage sur le cas Dominique Sopo :


Entre duplicité et tartufferie, 


au service du Système





par 

Alexandre Gerbi




Dans un récent tweet, Yassine Belattar s'est adressé à Jean Messiha comme à un chameau et lui a proposé d'aller tenir meeting au zoo de Thoiry. Estimant cette comparaison raciste puisqu'il est d'origine égyptienne, le cadre du RN a annoncé son intention de déposer plainte. Dans la foulée, Messiha a interpellé Dominique Sopo, président de SOS Racisme, en lui demandant s'il pouvait compter sur lui pour l'appuyer dans sa démarche. En réponse, Sopo s'est fendu à son tour d'un tweet où, loin de dénoncer le procédé de Belattar, il s'est au contraire amusé de cette comparaison, expliquant que l'honneur des chameaux avait été bafoué. Détail piquant : cette réponse de Sopo a été "likée" par Laetitia Avia, députée "En Marche" qui a donné son nom à la proposition de "loi contre les contenus haineux sur Internet". Les femmes et les hommes du Président, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît...

En revanche, ce tweet de Dominique Sopo a suscité l'indignation de Fatiha Agag-Boudjahlat, de Jean-Michel Aphatie, de Zohra Bitan, d'Eric Naulleau, de Jean Quatremer, de Dominique Reynié, pour ne citer que quelques noms parmi les plus connus.

Afin de contribuer à cerner la personnalité de Dominique Sopo, président apparemment inamovible de SOS-Racisme (il dirige cette association depuis 2003, hormis une brève interruption entre 2012 et 2014), il me semble opportun de livrer aux lecteurs d'AgoraVox un extrait de Histoire inavouable de la Ve République, de la révolution inversée au désastre contemporain (L'Harmattan, 2015). 

Dans ce livre, dûment occulté, pour ne pas dire censuré, à sa sortie par les médias comme presque toutes mes publications précédentes et suivantes (je ne suis certes pas le seul dans ce cas, hélas), j'analysais les causes de la crise qui mine la France et menace de la conduire à la catastrophe. J'y abordais, entre autres figures du Système, le cas de SOS Racisme et de son président Dominique Sopo, dans leur hypocrisie, leurs mensonges, leur tartufferie et leur lâcheté.

A chacun d'en juger.
Alexandre Gerbi




L’association « antiraciste »

   En 2008, je m'étais rendu au Salon du livre de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) dans l’espoir de rencontrer Dominique Sopo. Le président d'SOS Racisme devait y faire, ce jour-là, la promotion d’un livre sur la laïcité. M’étant approché de Dominique Sopo, je me présentai à lui comme écrivain et membre cofondateur du Club Novation Franco-Africaine. Tout de go, sous le regard d’un de ses adjoints, Alexandre Folly, responsable de la section du Val-de-Marne de ladite association, je lançai à Dominique Sopo :
   « Il y a cinquante ans, l’indépendance a été essentiellement imposée à l’Afrique subsaharienne par la classe politique métropolitaine, alors que la plupart des leaders politiques Africains réclamaient non pas l’indépendance, mais la fin du colonialisme par l’instauration de l’égalité politique pleine et entière. Mais parce que cette classe politique métropolitaine refusait les conséquences d’une telle opération – métissage et métamorphose de la France, nombreux députés africains à l’Assemblée nationale, et, de ce fait, fin de l’exploitation colonialiste que la démocratie réelle eût interdite –, elle choisit d’imposer l’indépendance à l’Afrique. Ainsi les territoires africains basculèrent dans une indépendance dont ils ne voulaient pas. Ainsi, aussi, fut esquivée la « bougnoulisation », selon le mot du général de Gaulle, ou plutôt, ai-je corrigé, la « bamboulisation » (mon interlocuteur et moi avons souri d’un air entendu…) de la France, et put être poursuivie l’exploitation colonialiste sous la forme du néocolonialisme ».
   Je m’arrêtai brusquement de parler. Dominique Sopo me considéra avec un regard pantois. Un bref instant et il me répondit sur le ton de l’évidence :
   « Oui, bien sûr, c’est bien ce qui s’est passé, c’est exact… Mais c’est évident ce que vous me dites là, c’est bien connu ! »
   Je dois préciser que Dominique Sopo est, pour partie, d’origine africaine et qu’il bénéficie, par conséquent, de certaines lumières sur ce chapitre de l’Histoire…
   J’embrayai :
   « Ah bon, Monsieur Sopo, mais si tout ceci est exact et bien connu, alors pourquoi personne ne le sait, et surtout pourquoi personne ne le dit ? »
   Dominique Sopo n’eut pas le temps de répondre. Il avait un avion à prendre car il se rendait, me dit-il, à New York pour je ne sais quel sommet à l’importance, on le devine, capitale. J’ai quand même pris son adresse courriel. Il n’a jamais répondu à mes messages.
   Pendant que je dialoguais avec Dominique Sopo, son « adjoint », Alexandre Folly, président comme je l’ai dit plus haut d’une section départementale d’SOS Racisme et manifestement, lui aussi, d’origine africaine et, par conséquent, lui aussi parfaitement au courant de la pertinence des thèses que je venais d’exposer, ne perdait pas une miette de notre conversation. En présence de son chef pas encore envolé pour New York et qui approuvait mes thèses comme autant de truismes, Alexandre Folly, se montra fort intéressé par l’existence de ce Club Novation France-Africaine qui affichait de si spéciales ambitions. Il me demanda si j’étais disposé à venir exposer ce point de vue lors de l’Université d’automne d’SOS Racisme. Cette manifestation, m’expliqua-t-il, devait se tenir le week-end suivant en banlieue parisienne, à Dourdan. J’accueillis avec enthousiasme sa proposition, ajoutant que je viendrais accompagné d’autres membres du Club Novation Franco-Africaine.
   Le surlendemain, lundi, je téléphonai donc à ce monsieur pour préciser les modalités de l’intervention. Un peu embarrassé, il me répondit qu’il fallait préalablement venir au siège d’« SOS », à Paris, afin d’exposer à « des cadres » du mouvement le contenu de notre intervention. J’acceptai volontiers. Rendez-vous fut pris pour le jeudi.
   Le jeudi en question, accompagné de deux membres cofondateurs du Club Novation Franco-Africaine, Samuel Mbajum (1) et Raphaël Tribeca (2), après avoir poireauté un bon moment dans le hall du siège de l’association, nous fûmes finalement reçus, en guise de « cadres », par un seul et unique jeune homme de vingt-cinq ans, Hadrien Lenoir. Celui-ci était responsable, nous dit-il, d’SOS Racisme pour l’Île-de-France.
   Dans son petit bureau, Hadrien Lenoir nous écouta pendant deux heures environ, mes amis et moi-même. Tour à tour, nous lui expliquâmes ce que fut en réalité la « décolonisation » française en Afrique subsaharienne. Présentée comme le triomphe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », la « décolonisation » fut en réalité une gigantesque imposture placée sous le signe du racisme et du mépris pour l’Afrique, mais aussi pour le peuple français, ou plutôt franco-africain, imposture qui consista notamment à surfer sur des mots mis au point à Washington et à Moscou. Autrement dit, bien que systématiquement présentée comme une défaite du capitalisme et de l’impérialisme, la décolonisation franco-africaine, telle qu’elle eut lieu, fut en réalité son stade suprême…
   « C’est gigantesquissime ! », finit par s’exclamer le jeune homme qui, comprenant manifestement la gravité et les enjeux de notre propos, éprouvait le besoin d’amplifier le terme dont je venais d’user. « Le problème », lui ai-je expliqué, « c’est que du haut de vos vingt-cinq ans, vous raisonnez sans tabous ni préjugés. Vous n’êtes pas enfermé dans toutes sortes de blocages idéologiques, ces blocages qui permettent au mensonge de tenir depuis cinquante ans, et ce contre toute raison. Vous verrez, et pour aussi délirant que cela puisse vous paraître maintenant, il est probable que les cadres de votre association et du parti politique [le Parti Socialiste] qui le parraine, en particulier ceux qui ont plus de quarante ou cinquante ans, vous expliqueront que, pour soutenir de telles thèses, il faut que nous soyons plus ou moins des fascistes ou des types manipulés par l’extrême-droite ».
   « C’est absurde… », souffla Hadrien Lenoir d’une voix naïve, candide et dubitative à la fois.
   « Accusation grotesque, en effet, rebondis-je, puisque si fascistes il y a, c’est dans le camp d’en face qu’ils se trouvent ! Ceux-ci ont largué l’Afrique contre sa volonté pour des raisons « blancistes » et néocolonialistes, ainsi que l’a d’ailleurs admis, comme une évidence, votre président lui-même, Dominique Sopo, en présence de son adjoint, Alexandre Folly, qui pourra vous le confirmer. Mais c’est que cette inversion des rôles, je devrais même dire des pôles, qui fait passer les partisans de l’unité franco-africaine pour des « fachos » et, réciproquement, les blancistes et leurs complices, les artisans de la séparation, pour de parfaits républicains progressistes, démocrates et humanistes, c’est là le grand ressort qui permet à l’imposture de tenir depuis si longtemps. Ça neutralise tout, ça verrouille tout. Sans parler, de nos jours, des compromissions accumulées au fil des décennies, quelquefois en toute bonne foi, par les uns et par les autres, pas pressés, pour cette raison, de faire leur mea culpa et de reconnaître qu’ils se fourvoient, pour le pire, depuis cinquante ans, évidemment… »
  Et qu’ils servent le Système, serais-je aujourd’hui tenté d’ajouter, avec quelques années de réflexion supplémentaires…
   J’aperçus dans le regard de notre interlocuteur, une fois encore, un étrange reflet.
  Est-il besoin de préciser que finalement, mes amis du Club Novation Franco-Africaine et moi-même, nous n’avons pas été invités à intervenir dans l’université d’automne d’SOS Racisme à Dourdan ? Faut-il ajouter que la semaine suivante, Hadrien Lenoir me posa un lapin – je devais pourtant lui remettre gracieusement un exemplaire de mon livre Histoire occultée – et qu’il n’a, par la suite, jamais répondu à mes courriels, pas plus qu’il ne m’a rappelé, malgré mes nombreuses relances ?
   Je suppose que ce jeune homme devait être très pris par des occupations cruciales, comme son président Dominique Sopo et tant d’autres honorables représentants des mondes politique, médiatique et associatif français.
   Mais comme me l’a dit un jour, plein d’humour, un Franco-Africain connaisseur des petits milieux de la capitale française :
   « À Paris, la première chose que fait quelqu’un qui prend un peu d’importance, c’est d’organiser son inaccessibilité… »



Notes :

(1) Samuel Mbajum est notamment l’auteur, avec le gouverneur Louis Sanmarco, de Entretiens sur les non-dits de la décolonisation, L’Officine, 2007, et plus récemment de Les combattants africains dits Tirailleurs sénégalais au secours de la France 1857-1945, Riveneuve, 2013. 
(2) Avec Raphaël Tribeca, nous avons cosigné La République inversée, Affaire algérienne et démantèlement franco-africain, L'Harmattan, 2010.


Extrait de Histoire inavouable de la Ve République, de la révolution inversée au désastre contemporain, L'Harmattan, 2015.