Un Noir lauréat du prix Goncourt, voilà près d'un siècle ! A la révélation d'aussi stupéfiante souvenance, un esprit naïf eût pu s'attendre à ce que nos chers médias, plus que jamais obsédés par les races et le racisme, louassent la France d'avoir décerné sa plus haute distinction littéraire à un homme à peau noire dès 1921. Au moment même où Adolf Hitler s'apprêtait à écrire son fameux Mein Kampf (publié en 1925), qui décrit le "nègre" comme un "demi-singe", et où les Etats-Unis se vautraient dans une ségrégation glorifiée par le film à grand succès Naissance d'une nation (1915) de D. W. Griffith. Evidemment, en l'an 2019, au point où nous en sommes du dénigrement systématique de la France
et des Français
par leurs élites politico-médiatiques, qu'hommage soit rendu à la France et aux Français
était impensable ; le rappel du Goncourt attribué à René Maran en 1921 fut donc, "logiquement", l'occasion du très exact contraire...
J'ai expliqué ailleurs le mécanisme particulièrement retors qui conduit depuis un demi-siècle le Système à jouer en permanence au Tarfuffe antiraciste, en utilisant la France et les Français comme boucs émissaires. Derrière cette posture apparemment humaniste, celle qu'on appelle,
d'ailleurs improprement, la Ve République, cherche en réalité à se racheter une bonne conscience, tout en enfouissant la vaste trahison-imposture à caractère racialiste voire raciste sur laquelle elle est fondée. En effet, tout le monde sait aujourd'hui, ou devrait savoir, que l'Afrique et l'Algérie furent larguées par Charles de Gaulle entre 1960 et 1962 (1) dans des conditions lamentables, entre forfaiture, défiance civilisationnelle et religieuse, racialisme voire racisme, et crime contre l'humanité (notamment le massacre des Harkis). Cette trahison fut accomplie au prix de viols caractérisés de la démocratie et de la Constitution (2) et d'un piétinement des principes de la République, au détriment, cerise sur le gâteau, des intérêts supérieurs de la France comme de l'Afrique. Devant l'ampleur du scandale dont l'Etat gaullien s'est rendu coupable devant les siècles, on comprend qu'en l'an 2019, nos bons maîtres élyséens et leurs gentils serviteurs médiatiques jugent plus convenable de jeter sur la mémoire française, en particulier sa mémoire noire, un épais voile d'oubli et de mensonge...
C'est ainsi, de mensonges en caricatures, de dénis en tartufferies, qu'il est devenu obligatoire de dénigrer systématiquement la colonisation, réduite par les trois derniers présidents de la République à une "faute" (Nicolas Sarkozy), à un "système injuste et brutal" (François Hollande) voire à un "crime contre l'humanité" (Emmanuel Macron). Jadis présentée comme "la gloire de la France" par les plus hautes autorités de l'Etat, la colonisation est progressivement devenue "la honte de la France", toujours
selon les plus hautes autorités de l'Etat. D'un manichéisme à l'autre...
Dans la même veine, il est recommandé, par les mêmes, de falsifier l'histoire de la prétendue "décolonisation". Largage des populations non européennes ainsi mises au ban de la République, doublé d'un tremplin du néocolonialisme, les pseudo-"indépendances" sont pourtant présentées
invariablement, et sans vergogne, comme un triomphe de la "liberté" et du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes". Toute cette ragougnasse idéologique ayant pour contrecoup de transformer d'innombrables jeunes "issus de l'immigration" (en réalité issus, en grande majorité, de l'ancien empire et, à ce titre, descendants de Français déchus - mais ce dernier point est également tabou...) en contempteurs de la France assoiffés de vengeance.
Fidèles à cette tradition-trahison, à cette escalade dans l'affabulation, quelques-uns de nos très vertueux médias ont sauté sur l'occasion Maran-Batouala pour dénigrer le plus violemment possible la France et les Français. En mentant copieusement, puisque le mensonge est, répétons-le, la marque de fabrique de la Ve République, de ses hommes politiques, de ses intellectuels et de ses petits serviteurs médiatiques.
Il serait fastidieux de faire ici la liste de toutes les insanités, trop nombreuses, dont cette nouvelle "affaire Maran" a fait l'objet, depuis TV5-Monde jusqu'au
Point en passant par la
1ère chaîne de France Télévision. On s'en tiendra donc au
petit clip réalisé, pour l'occasion, par TV5-Monde, chaîne de télévision internationale dont l'actionnaire principal est l'Etat français (3). Précisons que l'auteur du clip en question n'est pas un obscur pigiste ni un vague sous-traitant : à la fin du clip, on peut lire "
Réalisation et reportage : Frantz Vaillant". Or sur sa fiche Wikipédia, il est indiqué que M. Frantz Vaillant "
est rédacteur en chef à TV5-Monde depuis 2010". Excusez du peu...
Accompagnant ledit clip mis en ligne par TV5-Monde sur YouTube
le 7 octobre 2019 (soit un mois avant l'hommage googlien qui trouve donc peut-être là sa véritable explication, à savoir : offrir une caisse de résonance au dénigrement...), une notule explique :
"Au cœur des années folles, René Maran obtient le prix Goncourt en 1921. Mais cette récompense fait scandale, non seulement l'écrivain est noir, mais son roman Batouala fustige le colonialisme. La presse se déchaîne et l'auteur va le payer très cher..."
Véritable petit bijou de propagande de 3 minutes et 34 secondes, ce clip est accompagné, pour mieux manipuler le spectateur, d'une musique d'ambiance inquiétante. Y est développée l'idée d'un scandale raciste dans une France colonialiste.
Donnant d'emblée le ton, un certain Christian Eboulé, présenté comme "journaliste et critique littéraire", en réalité chroniqueur à TV5-Monde, pontifie :
"René Maran donne [dans son roman Batouala] la place principale à des personnages noirs. Et
ça, au début du XXe siècle, c'est absolument fondamental à comprendre, parce que jusque-là, jamais, jamais (sic) les nègres n'ont le premier rôle dans les romans."
Première contre-vérité, qui augure du reste. En effet, aux XVIIIe et XIXe siècles, plusieurs héros noirs ont été mis en scène dans des romans français. Que M. Christian Eboulé ignore l'existence du roman Un Nègre comme il y a peu de blancs (1789) de Joseph Lavallée, cela peut s'excuser. Qu'il ne connaisse pas Ourika (1822), héroïne éponyme du roman de Mme de Duras, on peut aussi l'admettre. Qu'il n'ait jamais entendu parler de Tamango (1829), héros d'une nouvelle de Prosper Mérimée, pas plus que d'Atar-Gull (1831), héros d'un roman d'Eugène Sue, passe encore (4). En revanche, qu'à défaut d'avoir lu le premier et célèbre roman de Victor Hugo, Bug-Jargal (1826), celui-ci ne soit jamais arrivé à ses oreilles, voilà qui est nettement plus suspect, surtout venant d'un homme présenté comme "critique littéraire"... Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse d'une ignorance crasse, d'un regrettable trou de mémoire ou d'un mensonge pur et simple, la réitération du "jamais, jamais" condamne sans appel le fond par la forme. Au moins le ton est-il donné : le mensonge au service de la calomnie, ou si l'on préfère, la manipulation de l'information et de l'histoire au service de la destruction de la France, seront les deux axes conjugués de la vidéo.
"1921 : Le scandale du Goncourt noir. En 1921, la France littéraire se réveille stupéfaite. Les journaux révèlent le nom du lauréat du nouveau prix Goncourt. Il s'agit de René Maran, 34 ans, né à Fort-de-France. L'écrivain est noir. La presse se déchaîne."
Tout est faux : évidemment, la France littéraire ne risquait pas de se réveiller stupéfaite, puisque le jury du Goncourt réunissait, déjà à l'époque, les principales huiles de la France littéraire. C'est l'éditeur de René Maran, Albin Michel, qui avait pris l'initiative de présenter la candidature de son poulain au prestigieux prix littéraire. Et c'est le président du jury en personne, Gustave Geffroy, qui permit à Maran de l'emporter, sa voix ayant départagé conformément au règlement les deux finalistes (l'autre finaliste étant Jacques Chardonne pour L'Epithalame) arrivés à égalité, cinq voix contre cinq. Et contrairement à ce qu'avance TV5-Monde, la presse, loin de se "déchaîner" contre ce résultat, s'est au contraire félicitée presque unanimement de cette victoire d'un auteur noir...
Par exemple, Excelsior, grand journal illustré, confie, le 15 décembre 1921, la rédaction du portrait du lauréat du Goncourt à Léon Bocquet, poète lui-même et qui publia
pour la première fois, dans sa revue Le Beffroi, les poèmes du jeune René Maran en 1909.
Léon Bocquet
parle ainsi de son ami qui, étant au Tchad, l'a chargé de recevoir le prix à sa place :
"C'est un homme de couleur. Son visage est du plus bel ébène, éclairé par de grands yeux rêveurs. De taille moyenne, son corps robuste et nerveux, que les sports ont assoupli, a de l'aisance dans son équilibre. (...) Il a, certes, souhaité la notoriété que lui confère son talent, mais c'est moins par ambition qu'afin de pouvoir exprimer plus haut et mieux affirmer ce qu'il pense de la question nègre et de la colonisation. Et, depuis 1909, dans ses longues lettres confidentes, dans ses causeries amicales, René Maran n'a cessé de me répéter aussi qu'étant nègre et d'origine africaine, il a voulu se démontrer et démontrer, à qui méprise sa race, que lui est aussi intelligent que n'importe quel Européen, et qu'il écrit mieux le français que bien des Français. Et c'est d'un fier orgueil."
Dans L'Intransigeant, le plus grand quotidien du soir d'opinion de droite, on se réjouit du résultat du Goncourt, et on en profite pour élargir l'hommage :
"C’est un noir, on l’a dit, et du plus beau noir, M. René Maran, qui a eu le prix Goncourt... C’est un triomphe pour une race à qui la France doit déjà tant de beaux dévouements. Aussi réjouissons-nous de lire dans les bulletins de nos colonies que le nombre des écoles au Sénégal a été porté de 47 à 61, et que pour la première fois à titre d’essai, on va mettre en application les programmes métropolitains d’enseignement primaire !"
Dans Le Journal, quotidien populaire à grand tirage, le ton est également à l'éloge. Eloge de l'homme, de l'écrivain, mais aussi éloge de sa lutte en faveur des Noirs, avec en filigrane la dénonciation, par l'auteur de l'article, du racisme et des abus coloniaux :
"Il y a quelques années, avant la guerre, dans une petite revue littéraire de la rive gauche, le Beffroi, on pouvait lire, sous la signature d'un nouveau venu, M. René Maran, des vers délicats et personnels. Réunis ensuite en deux volumes, La Maison du bonheur et La Vie intérieure, ils passèrent à peu près inaperçus. Et pourtant ils révélaient un beau tempérament de poète. (...) [René Maran] s'est donné pour mission (...) d'affranchir les hommes de sa race des préjugés dont ils sont l'objet, des injustices dont ils sont les victimes. Depuis son plus jeune âge, il ne songe qu'à atteindre à ce but. (...) Enfin, c'est encore pour faire triompher sa thèse que M. René Maran a délaissé la poésie et s'est mis à écrire Batouala, ce curieux roman auquel l'Académie Goncourt vient de rendre un juste hommage."
Que la presse française ait approuvé la dénonciation des abus coloniaux n'étonnera que les incultes. Journalistes et écrivains français étaient de longue date prompts à dénoncer les dérives de la colonisation, comme l'avait notamment illustré, près vingt ans plus tôt, l'affaire Toqué et Gaud (1903). La campagne de presse avait contraint l'Etat à dépêcher une commission d'enquête au Congo, après que furent révélés les crimes d'un duo détestable, Toqué et Gaud. C'est à cette occasion que Savorgnan de Brazza fut envoyé sur place, et qu'il trouva finalement la mort dans des conditions mystérieuses (5).
Nous pourrions multiplier les exemples de journaux ayant acclamé Batouala (qui deviendra d'ailleurs un très gros succès de librairie) et le Goncourt accordé à son auteur.
Mais passons dès à présent aux réactions moins favorables.
Dans son Bulletin mensuel, L'Institut colonial français, qui n'a manifestement guère prisé la charge de Maran contre les fonctionnaires coloniaux dans Batouala, n'en concède pas moins les qualités littéraires de l'auteur. Et, même s'il en discute certains aspects, il en attend le meilleur au vu de pareilles promesses :
"« Véritable roman nègre » énonce la couverture. Un roman ? à peine une nouvelle, une « succession d’eaux-fortes » comme dit l’auteur lui-même, et combien mince ! Si M. Maran a mis, comme il nous le confie, six ans à traduire ainsi ce qu’il a entendu et à décrire ce qu’il a vu, louons son scrupule et son application, mais convenons que les affres de Flaubert même se trouvent dépassées. (...) Un généreux poète, un vates prédestiné par le privilège du sang et de l’âme à pénétrer tout le mystère de ces races ardentes, primitives, voisines encore de la barbarie et de l’animalité, nous donnerait de larges fresques africaines, où le problème des origines et des destinées, des fraternités humaines, trouverait peut-être une orientation, une indication nouvelle. Ce serait du très grand art original et riche de substance renouvelable indéfiniment, car elle n’a de limites ni dans le passé, ni dans l’avenir. Et rien n’empêcherait — au contraire — que cet art fût tout imprégné d’humanité magnanime, de toutes les espérances de la Vita nuova future. C'est là le véritable roman, la geste nègre que nous attendons, qui nous est due, celle que M. Maran a, je le croirais, les moyens de nous offrir un jour..."
Dans Le Gaulois, journal classé à droite et nationaliste, dans le numéro du 15 décembre 1921, on peut lire :
"J'imagine que, malgré l'apparence, l'austère Académie [Goncourt] compte quelques membres qui sont très au fait du mouvement mondain. Ceux-ci ayant trouvé d'aventure parmi les candidats un romancier de couleur et un roman sur les noirs, ont fait réflexion que le nègre était présentement ce qu'il y avait de plus à la mode, puisque, à Paris, il triomphe dans la danse, dans la musique et jusque dans la littérature, où tant d'auteurs réputés le pratiquent avec beaucoup d'éclat. Ils ont donc pensé que Batouala, récit nègre, ferait sensation. L'oeuvre, en effet, est vigoureuse et brève. L'auteur l'a fait précéder d'une préface où il explique à la fois ses intentions morales - défendre les pauvres noirs contre les horreurs de la civilisation et surtout des civilisés - et ses intentions littéraires, à savoir dissimuler son âme avec autant de soin que Flaubert lui-même, pour s'en tenir à des tableaux, à des « eaux-fortes », et ne livrer ainsi qu'un document d'observation impersonnelle. Batouala, le héros du livre, est un chef nègre qui fume, vit au milieu de ses épouses, hait les blancs et les méprise, a le ventre ouvert par une panthère et meurt lamentablement, croyant avoir un malin esprit dans le corps, et trahi par tout le monde. Art sobre, un peu sommaire, volontairement dénué de pensée et de signification, sinon de pathétique et de pitié, et qui atteint parfois, comme dans le chapitre de la mort, une sorte de grandeur naïve et cruelle."
On a connu critiques littéraires plus acides... Là encore, nulle attaque contre René Maran en tant que Noir. Son ambition d'imiter Flaubert semble prise au sérieux et il lui est fait crédit d'avoir produit une "oeuvre (...) vigoureuse et brève" et d'atteindre "parfois (...) une sorte de grandeur naïve et cruelle." Et quand le critique invoque la question "nègre" en tant que telle, c'est pour soupçonner le jury d'avoir sacrifié à la mode, le "noir" faisant alors fureur à Paris, préparant le succès prochain du Bal nègre de la rue Blomet (1924), du jazz venu d'outre-Atlantique et de la Revue Nègre et de Joséphine Baker (1925), dans le sillage de la gloire dont s'étaient couverts les Tirailleurs sénégalais sur les champs de bataille de 14-18. Evoquant la jeunesse du poète guyanais Léon-Gontran Damas dans le Paris de l'entre-deux-guerres, Léopold Sédar Senghor, père avec Aimé Césaire de la Négritude, écrivit : "[Léon-Gontran
Damas] a fréquenté les quartiers et les milieux les plus divers, surtout les nègres de tous les pays du monde, dont Paris est la capitale par excellence, parce que la ville blanche la plus fraternelle."
Or en dépit de tous ces éléments, TV5-Monde en l'an 2019 n'hésite pas à affirmer dans son clip : "
Ce roman indispose la bonne conscience métropolitaine. Dans ces années folles, les Français macèrent dans un racisme ordinaire." On mesure combien TV5-Monde, encore une fois, ne recule devant aucun mensonge... S'agissant d'un programme financé par l'Etat français et destiné notamment à l'Afrique, où l'image de la France est de plus en plus dégradée, tandis que les banlieues françaises sont sur des charbons ardents, convaincues par plus de trente années de culture "SOS-Racisme" que la France et les Français blancs sont d'infâmes racistes, et par Rokhaya Diallo et ses amis stipendiés par les USA que l'histoire de France est un double de celles des Etats-Unis, une question se pose : à quoi TV5-Monde et son rédacteur en chef, M. Frantz Vaillant, jouent-ils ? Les Young Leaders Emmanuel Macron, président de la République, et Edouard Philippe, Premier ministre, en tant que tels financiers de TV5-Monde, et
membres de la puissante French American Foundation elle-même liée à la CIA, disposent peut-être d'éléments de réponse...
Et dans la presse d'extrême droite ?
Mais revenons à notre revue de la presse française de l'année 1921, où l'on cherche en vain l'indignation raciste invoquée par TV5-Monde.
"Et dans le journaux d'extrême droite ?", se délectera d'avance le soi-disant "progressiste" de service, qu'on pourrait également nommer "l'idiot utile du Système". "Là, au moins, à l'occasion de l'affaire Maran-Batouala, il doit sans aucun doute pouvoir se trouver de succulentes hideurs racistes à jeter au visage de la détestable France !"
Partons donc, chers amis, à la pêche aux ignominies racistes dans la presse d'extrême droite. Déontologie et méthodologie obligent, on se gardera de consulter une quelconque feuille de chou risquant de ne représenter qu'elle-même. Choisissons donc, pour ce faire, le journal très célèbre et emblématique, car à très forte audience, de ladite extrême droite : L'Action française.
On peut lire, en effet, dans le numéro 349 de
L'Action française du 15 décembre 1921, page 2 :
"Ce qu'en dit [du prix Goncourt attribué à Batouala de René Maran] Léon Daudet (membre du jury du Goncourt) : (...) J'ai tenu jusqu'au bout pour le beau, grave et robuste Fatum, de [Ernest] Foissac. Mais j'admire beaucoup, beaucoup Batouala. C'est une oeuvre achevée, je le dis d'un esprit libre, tout en me laissant aller avec joie à cette vérification de ma vieille foi en l'insondable réserve de force et de lumière intellectuelle, morale que contient la race noire, nullement inférieure."
On a, convenons-en, connu indignations racistes plus carabinées et élucubrations plus nauséabondes... Précisons que Léon Daudet était alors, avec Charles Maurras, directeur politique de L'Action française.
Le lendemain, cette fois en Une du même journal (numéro 350 du 16 décembre 1921), Léon Daudet d'enfoncer le clou :
"L'attribution du prix Goncourt - le seul prix littéraire qui compte vraiment aujourd'hui - à René Maran, auteur de Batouala, confirme ce que j'ai eu l'occasion de répéter ici, à maintes reprises, quant à la prétendue infériorité de la race noire. Cette infériorité est un mythe, comme, dans un autre genre, la prétendue supériorité du dix-neuvième siècle sur les siècles précédents. Il y a, dans la race noire, une élite, qui ne le cède en rien à quelque autre élite que ce soit. Je connais peu d'hommes aussi éloquents que notre collègue [le député] Candace. Le discours de notre collègue [le député] Boisneuf, à la Chambre, l'autre matin, était un chef-d'oeuvre de clairvoyance politique. Enfin, il faut reconnaître à ces hommes de couleur, une ardeur imaginative, une chaleur et une intrépidité, dont la preuve n'est plus à faire. Mon cher Henry Bérenger, il faut absolument que nous organisions, pour l'an qui vient, cette fête de reconnaissance aux troupes noires [de la guerre 14-18] dont vous êtes le chaud partisan. Cette fête sera l'occasion, pour beaucoup de Français, de témoigner leur chaude sympathie à leurs frères et amis noirs. On voit dans Batouala, ce que réalise l'esprit de la race noire dans l'ordre littéraire ; car Batouala est un livre remarquable, d'une langue puissante et hardie. Je suis convaincu qu'avant peu le même esprit donnera de grandes surprises dans l'ordre scientifique, s'il a, comme dans Batouala, l'audace de s'affirmer. Car un long préjugé rend les noirs d'élite assez timides vis-à-vis d'eux-mêmes ; et cette timidité fait un amusant contraste avec l'outrecuidance de beaucoup de blancs. Il y a bien longtemps que je pense cela au sujet des noirs, depuis le lycée Louis-le-Grand, où plusieurs d'entre eux se distinguaient par leur spontanéité intellectuelle et leur application. Puis à l'Ecole de Médecine où, au temps de mes études, une gracieuse jeune étudiante, de sang mêlé, donnait dans l'observation des phénomènes mentaux, normaux et pathologiques, de très remarquables promesses qu'elle a, depuis, amplement tenues, aux côtés d'une très grand clinicien. Mais c'est ici un vaste sujet, dont les perspectives s'ouvrent à peine, et qui couvrira de confusion, avant peu, les contempteurs imbéciles du peuple noir et des métis. (...)"
On est à des années-lumière (ou plutôt des années-ténèbre...) des affabulations de TV5-Monde sur le prétendu racisme congénital de la France, affabulations inscrites, il est vrai, dans le droit fil de la doxa contemporaine que développent et relaient depuis des lustres le dérisoire microcosme parisien, ses politiciens corrompus, ses journalistes véreux, ses intellectuels dévoyés, tous ayant en commun, pour noyer leurs turpitudes, de prendre tour à tour pour cibles et boucs émissaires le peuple français et l'histoire de France. Pardon de rabâcher, mais il y a du boulot...
Publicité du Goncourt, manichéisme, caricature et instrumentalisation contre la France
Alors, dira-t-on, il n'y aurait donc pas eu de scandale Maran-Batouala ?
Si, bien sûr, il y en a eu un.
On peut lire dans L'Echo d'Alger, 29 décembre 1921 :
"Un éreintement littéraire. Le lauréat du prix Goncourt est sévèrement jugé. (...) La couronne accordée par l'Académie Goncourt au nègre René Maran, ne vaut pas à celui-ci que des éloges. Nombreux sont ceux qui estiment que son livre Batouala est regrettablement tendancieux. M. Maurice de Waleffe le qualifie nettement de mauvais livre et trouve étrange que cet administrateur colonial affirme que les blancs envoyés comme fonctionnaires aux colonies sont alcooliques et règnent par la cravache, ne reculant pas devant les actes de l'arbitraire le plus monstrueux. D'autre part, il dépeint les nègres comme des singes méchants, lubriques, sanguinaires, ivrognes, abrutis, presque aussi difficiles à civiliser qu'un troupeau de gorilles et de guenons. (...) En somme, Batouala est un méchant livre, outrancier et faux, qui ne fait honneur ni aux blancs ni aux noirs, dont nous ne saurions trop décourager l'exportation. »
Jugement sévère, qui reproche à Batouala sa double charge "outrancière" contre les milieux coloniaux mais aussi contre les Africains, et taxe pour ainsi dire René Maran... de racisme anti-Nègres ! Il est vrai que, à condition de lire l'ouvrage, on y découvrira une Afrique traditionnelle dépeinte sous les traits de la plus extrême barbarie. Mais encore faut-il prendre la peine de le lire...
Dans La Croix du 19 décembre 1921, Jean Croisières écrit :
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