5 déc. 2010

Le siège éjectable de Charles de Gaulle

Il faut toujours vendre
la peau de l'ours...





Le siège éjectable

de Charles de Gaulle




par


Alexandre Gerbi





Depuis octobre, j'observe sur le blog Fusionnisme un silence inaccoutumé, que j'ai rompu afin de rappeler ce que signifie le choléra à Haïti, pour qui se rappelle Toussaint Louverture.

Ce silence accompagne ce qui me semble être un tournant : Charles de Gaulle est désormais assis sur un siège éjectable dont le mécanisme est, désormais, enclenché.


Un seul indice.




Le lundi 8 novembre 2010, à 20h35 sur France 3, chaîne du groupe France Télévision, sous la houlette de Patrick Poivre d'Arvor, un documentaire intitulé innocemment De Gaulle, la dernière bataille, a sonné le tocsin.

Pendant une heure, on assista à un classique documentaire hagiographique. A ceci près que le film fut entrecoupé - truffé - de passages au vitriol, où l'on alla jusqu'à présenter Alain Peyrefitte, face caméra, balançant les citations odieuses autant que scandaleuses par lesquelles de Gaulle justifia le largage de l'Afrique, en particulier de l'Algérie. On laissa même entendre (à moins que je me fasse des films...) que le Général ne s'entendait pas si mal avec nos amis de l'Administration états-unienne. De Gaulle, son racisme, sa xénophobie, sa transgression des principes les plus fondamentaux de la République, et son crime de haute trahison. Sans bien sûr que jamais ces mots ne soient prononcés. Au demeurant, sous cet étrange rapport à tout le moins esquissé, les dernières apologies sonnaient parfaitement faux, en se teintant d'une subtile et dévastatrice ironie. Le documentaire s'acheva sur la peinture du naufrage ultime du Général, au seuil de la mort, perclus de doutes atroces et d'inextricables remords.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire dans plusieurs articles antérieurs, dans les sphères autorisées (politiques, universitaires, intellectuelles), qu'elles soient françaises ou africaines, voire internationales, l'évidence de l'imposture gaullienne, sa monstruosité n'est plus ignorée ni surtout contestée.

L'extrême ignominie du deuxième Charles de Gaulle, celui de la prétendue "décolonisation", relève désormais de l'évidence. Elle reste néanmoins formellement inavouable, puisque le scandale qui la sous-tend est d'ampleur non seulement intercontinentale, mais aussi planétaire. De surcroît, beaucoup d'intellectuels, de politiques et même de grands journalistes (bien que cette profession puisse s'enorgueillir de compter dans ses rangs les rares voix discordantes qui s'en prirent au Général sous la Ve République) sont prisonniers, tenus par les mensonges ou les aveuglements dont ils se sont rendus coupables au cours du dernier demi-siècle.

En attendant, il n'est plus que face aux caméra que la révérence et l'hypocrisie s'imposent. Ailleurs, s'il la tait encore ou l'édulcore, nul n'ignore la corruption mentale et la laideur de Charles de Gaulle sur le chapitre ultramarin, son mépris des "Nègres" et des "Arabes", sa conception étroite et odieuse de la France, ses trahisons inouïes. Et la vérité gronde, quand s'éveillent chaque jour de nouvelles consciences, au fil des discussions au coin du feu, face au ballon du zinc ou sur l'oreiller.

Selon toute vraisemblance, le grand homme n'en a plus que pour deux ans, à goûter les délices d'une sainteté dont l'usurpation n'a d'égale que l'ampleur de ses crimes.

Rendez-vous donc, cher lecteur, dans deux ans. Ou peut-être moins...


Alexandre Gerbi







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2 Comments:

At 7/12/10 18:36, Blogger Sophie de Clauzade said...

Le moins que l'on puisse dire est, en effet, que le général de Gaulle n'a pas été le "héros des deux continents" (ou "des deux rives") qu'il aurait tant dû être en 1960 pour l'Outre-Mer africain, à l'image du "héros des deux mondes" qu'avait été le général de Lafayette, dont sur Arte, samedi 4 décembre dernier, passait une reconstitution historique et biographique ("Lafayette, un héros méconnu", disponible sur vidéos.arte.tv) très intéressante et enthousiasmante. Si de Gaulle est évacué deux ans, on pourra le remplacer par Lafayette, dont l'idéal s'appliquait, de plus, aussi aux colonies !

 
At 14/12/10 02:27, Blogger Sophie de Clauzade said...

Outre le documentaire de P. Poivre d'Arvor que vous citez, il y a encore le récent "docu-fiction" intitulé "Je vous ai compris : de Gaulle, 1958-1962", dans lequel le réalisateur, Serge Moati, comme il le livre dans une interview en ligne sur le site francetelevision.fr, a cherché à "interroger les ambiguïtés" du retour du général au pouvoir en 58 et de sa politique algérienne.
En cette fin d'année du cinquantenaire des indépendances africaines, la parution de ces documentaires ne serait-elle pas une réponse ou une suite à votre thèse, "Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine" (remarquablement sous-titrée "imposture, refoulements et névroses"), publiée chez L'harmattan en 2006 et que vous défendiez à nouveau en début d'année sur les plateaux de France 3 à l'occasion des nouveaux actes du colloque que vous coordonniez et paraissant dès janvier sur "Décolonisation de l'Afrique ex-française : enjeux pour l'Afrique et la France d'aujourd'hui", au sous-titre interpellant encore davantage ?
Personnellement, je serais portée à le croire.

 

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