Crise grecque : Il faut assujettir la Banque centrale européenne
Crise grecque :
Il faut assujettir
la Banque centrale européenne
Alexandre Gerbi
Le Traité constitutionnel européen, rejeté par le peuple français en 2005 puis passé en catimini par Nicolas Sarkozy et ses alliés de gauche en 2008, comportait de nombreuses clauses inacceptables. En particulier l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE). La crise grecque nous confronte à l’absurdité de ce principe, et à son extrême dangerosité.
L’euro, jusqu’à récemment, oscillait entre 1,35 et 1,40 dollars, après avoir touché un plus haut à 1,60 dollars en 2008. Depuis les différentes péripéties de la crise grecque, il ne vaut plus que 1,26 dollars. Certains s’en inquiètent. Or sachant qu’il y a huit ans, l’euro-monnaie a été introduit à la quasi-parité avec le dollar, et qu’il a chuté ensuite jusqu’à ne plus valoir que 0,86 dollar en 2002, on mesure qu’à ses niveaux actuels, l’euro est plutôt bien portant, en dépit de son récent, et encore limité, dévissage.
Pour aider la Grèce, l’Union européenne, ou plutôt la zone euro, en particulier la France et l’Allemagne, mais aussi l’Espagne et surtout le Portugal, sont conviés à jouer les bailleurs de fonds. Une façon, qui se veut habile, de court-circuiter le petit jeu auquel se livrent les agences de notation. Solidarité touchante, mais étrange quand on sait que l’Espagne et le Portugal sont plutôt mal en point, et menacés de dégradation par les très redoutées agences de notation basées à Wall Street, par ailleurs point de départ de la crise financière mondiale…
A ce stade, une question s’impose : à quel niveau d’émission de valeur sans contrepartie (c’est-à-dire sans bons du trésor en échange, contrairement à la pratique habituelle) la BCE provoquerait-elle une dévaluation de l’euro comparable à celle que la crise grecque a provoquée pour l’instant, soit dix à vingt centimes ?
Autrement dit, si la BCE n’était pas indépendante, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et leurs partenaires de la zone euro pourraient commander à Jean-Claude Trichet quelques dizaines, et probablement quelques centaines de milliards d’euros pour commencer, sans craindre de dévaluation excessive de l’euro sur les marchés. Il faudrait pour cela que la France, l’Allemagne et leurs partenaires de la zone euro s’engagent à injecter ces sommes non seulement dans le sauvetage de l’Etat grec, mais aussi le lancement de grands travaux à travers toute l’Europe (par exemple dans la construction de centrales nucléaires, de champs d’éoliennes en mer ou de panneaux solaires géants dans le Sahara), et surtout de vastes politiques de développement éducationnel et social en direction de l’Afrique. Avec pour objectif, notamment, dans plusieurs pays favorables à cette expérience-pilote, de scolariser d’ici dix ans 100% de la jeunesse dans les conditions qui, jusqu’à présent, ne bénéficient qu’à une bourgeoisie très minoritaire. De sorte que, si l’opération est concluante, elle puisse être étendue à l’ensemble des populations d’Afrique, afin que celles-ci profitent au plus vite, et dans les faits, des mêmes normes que l’Europe dans les domaines scolaires mais aussi sociaux. Afin de les aider à devenir, enfin, des Etats stables et des marchés solvables.
Bien entendu, cette manne financière, sans contreparties autres que morales, garantie par le politique et permise par l’assujettissement de la BCE, devrait être utilisée avec le souci permanent que chaque euro injecté soit créateur de richesse ou de bien-être humain et/ou matériel, selon un plan scrupuleusement chiffré et respecté. Pour que la monnaie se trouve affermie par l’émission assurée par la BCE plutôt qu’amollie et finalement dangereusement dévaluée. Pas question de connaître le syndrome de l’Espagne et des torrents d’argent venus d’Amérique, il y a quelques siècles. Car tel est l’écueil, bien connu des économistes, du recours à la « planche à billets »…
Les marchés européens étouffent d’être à la fois globalement suréquipés et démographiquement faibles. Ils sont parvenus au point où se croisent les courbes de la saturation, certes relative, du marché et de l’affaissement humain inhérent à une dénatalité européenne qui sévit depuis des décennies. L’Afrique, avec ses immenses richesses naturelles et son formidable dynamisme démographique, permet d’espérer de nouveaux marchés. En même temps, l’histoire de son largage par l’Europe (dans le cadre de la prétendue « décolonisation ») et du néocolonialisme, après des siècles de flétrissures contre le Nègre, de l’esclavage au colonialisme en passant par le racisme « scientifique », fait mériter au continent noir une aide exceptionnelle par son ampleur et, si l’on ose dire, par son esprit. Pour tenir enfin la promesse de la civilisation universelle, nourrie de toutes les facettes du génie humain, depuis les antiques sagesses jusqu’aux Lumières modernes.
Une rupture de l’Europe avec l’orthodoxie monétaire, par l’assujettissement absolu de la BCE au pouvoir politique, permettrait, en libérant d’immenses moyens jusqu’à présent confisqués, d’ouvrir la voie d’une révolution qui serait peut-être la plus grande de l’histoire de l’humanité. En rendant une force de frappe financière à des Etats européens que la singulière attitude des marchés internationaux et des agences de notation états-uniennes mettent en porte-à-faux.
Alors, préférera-t-on laisser filer l’euro, quitte, en fin de compte, à le voir démanteler et disparaître, sous prétexte – quel paradoxe ! – de le préserver par respect scrupuleux et suicidaire de principes parfaitement contestables ? Tout au contraire, ne ferait-on pas mieux d’utiliser dès à présent ce merveilleux outil qu’est l’euro, encore essentiellement préservé à l’heure qu’il est, pour relancer l’économie européenne et développer ce grand partenaire naturel de l’Europe qu’est l’Afrique ? La science économique et la monnaie ne doivent-elles pas d’abord être envisagées comme des instruments à la disposition du politique, au profit du bien-être du peuple ?
Mais pareille approche impliquerait un courage et surtout une liberté de pensée à l’égard de tous les dogmes. Des qualités qui, depuis longtemps, font cruellement défaut au personnel politique du vieux continent, et nous conduisent au tombeau…
Alexandre Gerbi
Libellés : afrique, angela merkel, crise, euro, europe, france, grèce, nicolas sarkozy, union européenne
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