Voilà un peu plus de trois ans, en mai 2016, je publiai dans la revue Lignes, numéro 50, un article intitulé "Crise française : Sources inavouables pour une issue fraternelle". La tournure actuelle des événements m'incite à le mettre en libre accès. Bonne (re)lecture. AG
Crise française :
Sources
inavouables
pour
une issue fraternelle
par
Alexandre Gerbi
Une seule conclusion
s’imposerait si nous vous suivons :
rendez-nous notre liberté,
donnez-nous notre indépendance
et nous ne vous coûterons
plus rien ! Oui, mais voilà,
vous n’avez pas, Dieu
merci, le droit de disposer ainsi
de nous-mêmes, et d’une
partie de la République…
Barthélémy
Boganda1
Depuis
de nombreuses années, une crise profonde – économique, sociale,
morale – s’aggrave en France. L’année 2015, marquée par de
multiples attentats terroristes, a mis en évidence l’échec de
l’intégration qui fait le lit de l’extrémisme religieux
musulman. Des facteurs extérieurs sont ici à l’œuvre, puisque
plusieurs de ces attentats ont été commis par des hommes se
revendiquant de commanditaires étrangers. Pareillement, dans les
domaines économiques et sociaux, des facteurs exogènes sont
identifiables, qu’on pourrait résumer en quelques mots –
financiarisation, ultralibéralisme, mondialisation. Mais, une fois
reconnues ces causes extérieures, est-il possible d’en identifier
d’autres, plus spécifiquement françaises ? Mieux encore, les
causes extérieures ne profitent-elles pas de causes intérieures ?
C’est à ces questions entremêlées que nous allons chercher à
répondre, en revenant sur l’un des plus grands bouleversements que
la France ait connus au XXe siècle, mais qui, étrangement, n’est
que rarement évoqué pour éclairer les difficultés actuelles :
la « décolonisation » de l’Afrique subsaharienne.
I.
La Révolution inversée. De l’avant-garde de l’école
anthropologique française au triomphe de la réaction barrésienne.
La Ve
République est née d’une révolution aujourd’hui en grande
partie effacée des mémoires. En mai 1958, l’Algérie fut le
théâtre d’un soulèvement populaire appuyé par l’armée. Ce
soulèvement répondait à la vaste problématique coloniale, voire
déjà postcoloniale – car depuis l’avènement de la IVe
République, on ne parlait plus d’empire ni de colonies, mais
d’Union française et de territoires d’outre-mer –, qui
secouait la France, quoique diversement et bien au-delà du seul cas
algérien, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Or si
le « Vent de l’Histoire » souffla incontestablement
après 1945, il appelait une abolition du colonialisme qu’on aurait
tort d’identifier nécessairement à une aspiration à
l’indépendance. En effet, à l’époque, si les leaders de
l’Afrique française jugeaient la décolonisation indispensable,
ils l’envisageaient selon des modalités qui, le plus souvent,
n’impliquaient nullement l’indépendance. Pour en finir avec le
colonialisme, la plupart d’entre eux prônaient un rapprochement
égalitaire et fraternel de l’Outre-Mer avec la métropole. A leurs
yeux, la décolonisation devait s’inscrire dans le cadre d’une
unité franco-africaine non seulement maintenue, mais surtout
renforcée par l’instauration de l’égalité et de la fraternité
dont le Parlement devait à la fois refléter, servir et garantir la
promotion, en vue de bâtir une nouvelle civilisation à vocation
universelle.
En
septembre 1946 à l’Assemblée nationale, le député Léopold
Sédar Senghor déclarait : « Si l’on veut y
réfléchir, ce rôle de creuset de culture a toujours été celui de
toute grande civilisation, de la française en particulier. Cette
usine dévorante qu’est la tête française a besoin, pour ne pas
tourner à vide, d’un afflux constant de matière première humaine
et d’apports étrangers. (…) Depuis la
pré-renaissance, la France a reçu, successivement, les apports
gréco-latins, italiens, espagnols, anglo-saxons. Depuis le XIXe
siècle, c’est l’afflux des éléments « barbares », et
j’emploie ce mot avec une humble fierté. (…) Il est
question, pour la métropole, de féconder ses terres au moyen des
alluvions de l’humanité que nous lui apportons. (…) C’est
ainsi qu’ensemble nous créerons une nouvelle civilisation, (...)
un humanisme nouveau qui sera à la mesure de l’univers et de
l’homme en même temps. »
En
d’autres termes, pour la plupart des Africains de l’époque,
prôner la décolonisation, c’était non pas mettre en cause
l’unité politique franco-africaine, mais revisiter les modalités
de cette unité, selon des voies susceptibles, précisément, de la
renforcer par la stricte application des principes républicains. Or
la IVe République répondit à ces revendications égalitaires par
des décentralisations successives qui permettaient d’esquiver
l’égalité politique, que ce fût en Afrique subsaharienne ou en
même Algérie, pourtant définie comme département
français. Découlant
de ce refus de l’égalité, sous couvert d’autonomie, la
perspective de l’indépendance s’affirmait chaque jour davantage.
Elle finit par mettre le feu aux poudres en Algérie.
Le
soulèvement d’Alger en mai 1958, encouragé – pour ne pas dire
fomenté – par les réseaux gaullistes, confina au putsch
militaire. Il se solda par la chute du ministère Pflimlin, le retour
du général de Gaulle au pouvoir, et le remplacement de la IVe
République par la Ve. Ce changement fut finalement approuvé quatre
mois plus tard par le peuple français, avec une majorité écrasante
de près de 80 % lors du référendum organisé le 28 septembre
1958. L’une des grandes originalités de la nouvelle constitution
consistait dans l’octroi de l’égalité politique pleine et
entière aux populations arabo-berbères des départements d’Algérie.
Ce qu’on appela « l’Intégration ».
Le
programme de l’Intégration consistait en un grand saut égalitaire
en faveur des populations indigènes d’Algérie, dans le respect de
leur personnalité culturelle. Il avait pour concepteur Jacques
Soustelle, anthropologue de réputation internationale. Spécialiste
des civilisations amérindiennes, militant antiraciste dans les
années 1930, résistant durant l’épopée de la France libre, il
avait été après la guerre une figure éminente du RPF, le parti
gaulliste. Soustelle avait posé les premiers jalons de l’Intégration
trois ans plus tôt, en tant que gouverneur général d’Algérie,
nommé à ce poste par le ministère Mendès France en janvier 1955,
quelques mois seulement après le déclenchement de ce qui
deviendrait la guerre d’Algérie. Ce projet coïncidait avec les
options du grand ethnologue Paul Rivet, signataire avec Robert
Delavignette et Albert Bayet de l’Appel pour le salut et le
renouveau de l’Algérie française2,
et les préconisations énoncées par Claude Lévi-Strauss, ami de
Soustelle, dans Tristes Tropiques :
« Si, pourtant, une
France de quarante-huit millions d’habitants s’ouvrait largement
sur la base de l’égalité des droits, pour admettre vingt-cinq
millions de citoyens musulmans, même en grande proportion illettrés,
elle n’entreprendrait pas une démarche plus audacieuse que celle à
quoi l’Amérique dut de ne pas rester une petite province du monde
anglo-saxon. Quand les citoyens de la Nouvelle-Angleterre décidèrent
il y a un siècle d’autoriser l’immigration provenant des régions
les plus arriérées de l’Europe et des couches sociales les plus
déshéritées, et de se laisser submerger par cette vague, ils
firent et gagnèrent un pari dont l’enjeu était aussi grave que
celui que nous nous refusons de risquer. Le pourrions-nous jamais ?
En s’ajoutant, deux forces régressives voient-elles leur direction
s’inverser ? Nous sauverions-nous nous-mêmes, ou plutôt ne
consacrerions-nous pas notre perte si, renforçant notre erreur de
celle qui lui est symétrique, nous nous résignions à étriquer le
patrimoine de l’Ancien Monde à ces dix ou quinze siècles
d’appauvrissement spirituel dont sa moitié occidentale a été le
théâtre et l’agent ? Ici, à Taxila, dans ces monastères
bouddhistes que l’influence grecque a fait bourgeonner de statues,
je suis confronté à cette chance fugitive qu’eut notre Ancien
Monde de rester un ; la scission n’est pas encore accomplie. Un
autre destin est possible3
(...). »
L’Intégration
rejoignait également les analyses de l’ethnologue Germaine Tillion
qui émettait les plus sérieuses réserves à l’égard de
l’indépendance algérienne, et décelait dans l’anticolonialisme
« l’alibi de la clochardisation » comme
« l’anti-esclavagisme a[vait]été l’alibi du
colonialisme.4 »
Alors
que la Révolution de 58 était sous-tendue par une vision politique
élaborée par l’avant-garde de l’école anthropologique
française, c’est contre toute attente « un officier de
filiation nationaliste et conservatrice, voire monarchiste5 »,
Charles de Gaulle, qui prétendit la conduire.
Mais le miracle n’en était pas un. Le Général était
résolument hostile à ce programme égalitaire, éminemment
républicain, qui lui avait permis de revenir « aux affaires »
et de justifier la méthode employée pour y parvenir, le coup d’Etat
militaire. L’égalité qu’il avait promise aux populations
indigènes d’Algérie, il l’avait également fait miroiter à
celles d’Afrique subsaharienne, dans son discours de Mostaganem (6
juin). Or, dans son for intérieur, le nouveau chef du gouvernement
la jugeait insensée. Aussi, une fois élu chef de l’Etat sur le
programme de l’Intégration, il renversa les alliances. S’appuyant
sur ceux qu’il avait prétendu contrer – les représentants du
« Système » de la IVe République –, il neutralisa ou
élimina progressivement tous ceux qui, ayant œuvré à son retour
au pouvoir, refusaient sa volte-face.
Les
quelques proches que le Général avait tenus dans la confidence –
pendant qu’il donnait le change aux autres – ne furent guère
surpris de ce retournement. Grand lecteur de Maurice Barrès, De
Gaulle se faisait, selon une expression tirée des Cahiers,
« une certaine idée de la France ». De cette
« idée » étaient collectivement exclus les
Arabo-Berbères aussi bien que les Noirs africains. Ce faisant, le
Général suivait, comme dans bien d’autres domaines, les préceptes
énoncés soixante ans plus tôt par l’auteur de La Terre et les
Morts (1899), sans tenir compte des inflexions que ce dernier
avait esquissées, à la faveur de l’Union sacrée, dans Les
Diverses familles spirituelles de la France (1917). Pas
davantage, De Gaulle ne se souciait des recommandations qu’Ernest
Renan avait formulées dans Qu’est-ce qu’une nation ? (1882),
où le « dieu de la IIIe République6 »
prônait le principe de l’autodétermination et privilégiait la
« conscience morale » sur les critères de race, de
religion et même de culture. Surtout, le Général s’affranchit
des principes fondateurs de la République héritière de 1789.
Sans
doute davantage encore que la question algérienne7,
la question subsaharienne permet d’éclairer ce que furent, au
cours de la parenthèse 1958-1962, le fond et la forme de la
politique gaullienne. Parmi d’autres, retenons deux épisodes
particulièrement révélateurs. Le premier, l’affaire gabonaise,
coïncida avec la naissance de la Ve République, dans le viol de la
Constitution ; le second, la loi 60-525, survint à la veille des
indépendances dont elle leva le dernier obstacle : le peuple,
toujours dans le viol de la Constitution.
Lors du
référendum du 28 septembre 1958, les populations gabonaises
approuvèrent à 92 % l’adhésion du Gabon à la Communauté
française. Forts de ce résultat, s’appuyant sur l’article 76 de
la Constitution qui en offrait la possibilité, le Conseil de
gouvernement du Gabon et son président, Léon Mba, mandatèrent le
gouverneur Louis Sanmarco à Paris, afin de demander la
départementalisation de leur territoire. Reçu par le ministre de
l’Outre-Mer, Bernard Cornut-Gentille, Louis Sanmarco essuya un
refus tonitruant.
Le
Général expliqua à Alain Peyrefitte : « Au
Gabon, Léon Mba voulait opter pour le statut de département
français. En pleine Afrique équatoriale ! Ils nous seraient restés
attachés comme des pierres au cou d'un nageur ! Nous avons eu toutes
les peines du monde à les dissuader de choisir ce statut.
Heureusement que la plupart de nos Africains ont bien voulu prendre
paisiblement le chemin de l'autonomie, puis de l'indépendance8.
»
Sachant
que les 450.000 habitants que comptait alors le Gabon représentaient
à peine 1 % de la population métropolitaine, on peut s’étonner
que le gouvernement français ait refusé la départementalisation
par crainte des dépenses qu’une telle opération aurait
impliquées. D’autant que d’importantes ressources pétrolières
avaient déjà été découvertes à Port-Gentil. Mais c’est qu’en
réalité, sous l’affaire gabonaise perçait la vaste question
africaine.
De
Gaulle savait qu’en accédant à la demande gabonaise, il aurait
créé un fâcheux précédent. L’enjeu de la départementalisation
réclamée par Léon Mba et son Conseil de gouvernement dépassait
largement le seul cadre gabonais. Au Sénégal, par exemple, les
autorités maraboutiques, autorités traditionnelles dont l’influence
était grande sur les populations, ne cachaient pas leur inclination
en faveur de ce statut. Pour le gouvernement français, accepter
d’appliquer l’article 76, c’était donc inciter de nombreux
autres territoires africains de la Communauté à s’engouffrer dans
la brèche. S’il avait satisfait la demande gabonaise, Paris
n’aurait plus été en position de refuser un statut identique aux
autres membres de la Communauté qui auraient trouvé avantages –
économiques, sociaux et politiques – à le réclamer eux aussi.
Une telle réaction en chaîne aurait anéanti le projet du président
de Gaulle, qui comptait démanteler l’ensemble franco-africain pour
débarrasser la France de ses populations africaines et remodeler, du
même coup, son outre-mer sur un modèle néocolonialiste.
On
devine ce que le « niet » gaullien signifia pour les
leaders politiques subsahariens. Charles de Gaulle mesurait
parfaitement cet enjeu. D’ailleurs, justifiant son refus de la
départementalisation du Gabon, il expliqua à Alain Peyrefitte :
« Vous croyez que je ne le sais pas, que la décolonisation
est désastreuse pour l'Afrique ? (...) C'est vrai que cette
indépendance était prématurée. (...) Mais que voulez-vous
que j'y fasse ? (...) Et puis (il
baisse la voix), vous savez, c'était
pour nous une chance à saisir : nous débarrasser de ce fardeau,
beaucoup trop lourd maintenant pour nos épaules, à mesure que les
peuples ont de plus en plus soif d'égalité. Nous avons échappé au
pire9
! (...) ».
Moins
d’un an et demi plus tard, violant cette fois l’article 5 de la
Constitution qui le pose comme « garant de l’intégrité
du territoire », le président de la République ordonna
purement et simplement à Léon Mba de prendre l’indépendance.
Florence Bernault note : « Le rapport politique mensuel du
haut-commissaire de la République française au Gabon de février
1960, mentionne des instructions données par le général de Gaulle,
le 19 février 1960, qui poussaient le Gabon à demander
l’indépendance10. »
Six
mois après l’injonction gaullienne, le 17 août 1960, dernier
territoire de l’Afrique noire française à devenir indépendant,
le Gabon finit par se résigner à se séparer officiellement de la
France.
L’affaire
de la loi 60-525 est peut-être encore plus lourde de sens. (Lire ici notre article consacré à la loi 60-525).
La
Constitution disposait que pour qu’un Etat de la Communauté accède
à l’indépendance, ses habitants devaient l’approuver par
référendum. La loi 60-52511
(juin 1960) permit, par le biais d’un demi-alinéa singulièrement
subreptice, de les déposséder de ce droit. Pour la faire voter,
Charles de Gaulle viola encore la Constitution, cette fois sur au
moins quatre points fondamentaux12.
Fait notable, le Conseil d’Etat émit un avis défavorable (26
avril 1960), tandis que Vincent Auriol, ancien président de la
République et membre de droit du Conseil Constitutionnel,
démissionna en plein vote de la loi (25 mai 1960).
En
réponse aux réserves du Conseil d’Etat, le gouvernement
prétendit, entre autres arguments, que la loi 60-525 permettait de
renforcer la Communauté. Dans les faits, dès le mois suivant, les
événements démontrèrent qu’au contraire, elle facilitait son
démembrement. Ainsi, au cours de l’été 1960, la quasi-totalité
des territoires d’Afrique subsaharienne française accédèrent à
l’indépendance sans que leurs populations fussent consultées.
Justifiant
en coulisses sa politique africaine, le Général expliqua à Alain
Peyrefitte :
« Ceux
qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils
[Paul Rivet, Robert Delavignette, Claude Lévi-Strauss, Jacques
Soustelle, Germaine Tillion, etc.] sont très savants (…) Il
ne faut pas se payer de mots ! C’est très bien qu’il y ait des
Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils
montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a
une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une
petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous
sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de
culture grecque et latine et de religion chrétienne. »
Est-il
besoin d’expliquer qu’une telle conception de la « francité »
s’oppose radicalement aux principes de la République, héritière
de la Révolution de 1789… et de 1958 ?
II.
Conséquences politiques, économiques et morales d’une
transgression.
Très
officiellement, le « dégagement » répondit à de
nobles impératifs politiques – le « Vent de l’Histoire »
ou « Sens de l’Histoire », le « droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes », la « liberté »
– et, plus officieusement, financiers – « La Corrèze
plutôt que le Zambèze13 ».
En réalité, tandis que s’offraient bien d’autres voies,
fédérales, confédérales ou même jacobines, le gouvernement
français fit le choix de la scission au nom de considérations
civilisationnelles et raciales, jamais avouées publiquement comme
telles.
Plutôt
que de développer harmonieusement toutes ses provinces d’Europe et
d’outre-mer, au lieu de leur permettre d’être à la fois
pleinement elles-mêmes et pleinement la France dans son ampleur
planétaire, plutôt que de favoriser la préservation des cultures
dans leur originalité, de leur permettre d’échanger et d’affiner
délicatement leurs génies respectifs sous l’égide des Lumières,
au sein de la grande République qu’avaient rêvée tant d’hommes
et de femmes, l’Etat gaullien les sépara selon des critères de
race, de civilisation et de religion.
La
« décolonisation » visait à esquiver le métissage du
peuple français, et ses conséquences directes, celui du Parlement
et du gouvernement français.
Pourtant,
la « décolonisation » ne saurait être réduite à un
calcul civilisationnel. Elle visait aussi à organiser le
néocolonialisme. La plupart des anciens territoires, trop
sous-développés pour assurer leur indépendance, demeurèrent
étroitement liés à l’ancienne métropole et contrôlés depuis
l’Elysée. De ce point de vue, en dépit des trompe-l’œil
sémantiques, non seulement la décolonisation n’en fut pas une,
mais elle fut en définitive très exactement le contraire. En ce
sens et paradoxalement, pour reprendre une célèbre formule de
Lénine, la « décolonisation », loin d’être une
défaite du capitalisme, apparaît en réalité comme son « stade
suprême », doublé d’un autre stade suprême :
celui d’une forme rampante du racisme. Au gré d’une ségrégation
organisée à l’échelle intercontinentale.
Sous
la IVe République, les parlementaires africains avaient défendu
avec d’incontestables succès les intérêts de leurs électeurs au
Parlement français – abolition du travail forcé et du statut de
l’indigénat (1946), importants crédits au développement (FIDES)
qui permirent le financement de nombreuses infrastructures et un
rapide essor de l’économie. Sous la Ve République, la
« décolonisation » permit l’escamotage de ce bouclier
démocratique et républicain, en privant les populations répudiées
de la double protection de la Constitution et des représentants que
celle-ci leur concédait. La métropole qui ne disait plus son nom,
désormais libérée d’une grande partie de ses charges, dispensée
de redistribuer aux Ultramarins les dividendes du développement, put
dès lors être livrée aux joies étourdissantes de la société de
consommation et du rock’n’roll. A contrario, les territoires
africains, désormais érigés en Etats prétendument « souverains »,
furent rapidement confrontés à de graves difficultés.
Vue sous cet angle, la décennie 1960 ne fut économiquement prospère pour la France qu'au prix d'une illusion d'optique. Officiellement réduite à sa partie de loin la plus riche – « l'Hexagone » et quelques « confettis » ultramarins rescapés –, l'ancienne métropole continua néanmoins à bénéficier, par le biais du néocolonialisme, de la main-d'œuvre et des richesses de ses anciens territoires africains, y compris le pétrole algérien14. Or dans les territoires africains officiellement « libérés », mais en réalité demeurés sous le contrôle de l'Elysée, après des « indépendances » brièvement – et délibérément – idylliques, les ravages économiques et sociaux succédèrent aux conflagrations politiques.
Vue sous cet angle, la décennie 1960 ne fut économiquement prospère pour la France qu'au prix d'une illusion d'optique. Officiellement réduite à sa partie de loin la plus riche – « l'Hexagone » et quelques « confettis » ultramarins rescapés –, l'ancienne métropole continua néanmoins à bénéficier, par le biais du néocolonialisme, de la main-d'œuvre et des richesses de ses anciens territoires africains, y compris le pétrole algérien14. Or dans les territoires africains officiellement « libérés », mais en réalité demeurés sous le contrôle de l'Elysée, après des « indépendances » brièvement – et délibérément – idylliques, les ravages économiques et sociaux succédèrent aux conflagrations politiques.
Un
demi-siècle durant, les citoyens déchus de l’Outre-Mer, fuyant la
misère, affluèrent d’année en année dans l’ancienne
métropole, travailleurs le plus souvent très pauvres, et sans cesse
plus nombreux, dans cette « mère-patrie » qui leur avait
été confisquée. Par leur nombre, ils déjouèrent du même coup,
suprême ironie, les plans initiaux qui avaient justifié leur
éviction.
Parallèlement,
à partir des années 1970, la France hexagonale fut frappée à son
tour par la crise résultant de son rétrécissement. Une crise
économique mais aussi morale, aggravée par les postures qu’adoptait
le régime pour enfouir ses turpitudes. Car tout en poursuivant dans
la voie du néocolonialisme hérité du Général, ses successeurs se
drapèrent dans le manteau de Tartuffe. Désormais adversaires
déclarés du racisme, ils mirent sans cesse le peuple français au
banc des accusés, refoulèrent ou dénigrèrent ad nauseam
l’histoire commune, et développèrent avec toujours plus de
manichéisme le récit fallacieux de la « décolonisation »,
en glorifiant « la lutte des peuples pour l’indépendance ».
L’ensemble de ces menées visait à dissimuler les vrais motifs qui
avaient conduit à l’abandon, autant qu’au maintien d’un
impérialisme colonialiste qui ne disait plus son nom.
Au fil
des décennies, l’histoire fictive remplaçant peu à peu
l’histoire vécue, les rancœurs s’accumulèrent, aggravées par
des publications retentissantes qui dénonçaient en détails les
réseaux et les méfaits du néocolonialisme15.
Ainsi l’amour mêlé de fascination qu’avaient longtemps nourri
les Africains pour la France et le peuple français céda
progressivement le pas à la haine, grande pourvoyeuse de haines en
retour. L’obscurantisme religieux, exporté à travers le monde par
les pétrodollars du Golfe avec la bénédiction de Washington,
trouva dans la « désintégration » des « cités »
un terrain préparé à son expansion. A partir des années 1990,
tandis que la chute de l’URSS levait tout frein au modèle
ultralibéral porté par les Etats-Unis, la France n’ayant plus la
taille critique pour imposer son modèle au monde, elle subit celui
du plus fort. Cette remise en question du modèle français issu du
programme du CNR (Conseil National de la Résistance, 1944) aboutit,
au cours des années 2000, à une inquiétante érosion économique
et sociale.
L’ensemble
de ces phénomènes constituèrent un cocktail explosif, entre
désindustrialisation, chômage de masse et désintégration pétrie
d’islamisme des banlieues « immigrées » – en réalité
peuplées en grande partie de descendants des anciens citoyens
déchus, mais bien entendu jamais identifiés comme tels. En
réaction, apparurent les identitaires « gaulois »,
violemment hostiles à l’Europe libre-échangiste autant qu’au
métissage et à l’immigration. Après trois décennies de
mondialisme débridé, de communautarisation de la société et de
cabotinage antiraciste, la citation de Charles de Gaulle au sujet de
la France « avant tout de race blanche, de culture grecque
et latine et de religion chrétienne » fut remise goût du
jour. Sur le terrain idéologique, la boucle était bouclée. En
attendant que les urnes finissent par donner corps aux slogans…
III.
Aggiornamento historiographique et issue fraternelle.
Le
démantèlement de l’ensemble franco-africain coïncidait avec les
desiderata des Etats-Unis et de l’Union Soviétique aussi bien que
des « Non-Alignés ». Les « indépendances »
ne cessèrent donc jamais, quelle que fût l’ampleur du désastre,
d’être présentées comme une merveille des merveilles, source de
tous les progrès et de tous les épanouissements. En France, le jeu
de dupes auquel se livra De Gaulle en 1958 fut réduit à une
regrettable équivoque, et la contre-révolution qu’il conduisit
vantée comme le fruit d’un pragmatisme visionnaire en phase avec
la République et la démocratie.
Aujourd’hui,
dans les sphères ayant trait au pouvoir, nul n’ignore plus
l’histoire inavouable de la « décolonisation », mais
chacun préfère la taire. Notre époque parle sans cesse de névroses
individuelles – le plus souvent, du reste, avec aux lèvres un
grand sourire narcissique – sans voir que ce qui ronge la France
post-gaullienne, c’est une névrose collective, nourrie de ce
secret inavouable qui nous condamne à vivre ses funestes
conséquences.
On ne pourra faire l’économie d’un pénible et immense aveu. Car
tous ces non-dits, tous ces travestissements d’Histoire sont autant
de flétrissures que les « Français issus de l’immigration »,
sans doute plus encore que les autres, savent et refoulent, et dont
ils souffrent. Les Français d’origine africaine ne peuvent
aisément se réclamer d’une nation qui a rejeté leurs
grands-parents et qui tente, par tous les moyens, de le faire
oublier. Comment se sentir citoyens d’une République qui, depuis
près d’un demi-siècle, ment et travestit l’Histoire pour
dissimuler ses choix et les raisons de ces choix, touchant à des
territoires et à des hommes intimes à vos sensibilités
affectives ? Comment se sentir partie intégrante d’un pays
que vos ancêtres ont rejeté à cor et à cri, vous répète-t-on
comme à plaisir, parce qu’ils ne voulaient à aucun prix en être
les membres ? Comment, enfin, désirer appartenir à un peuple qu’on
vous décrit comme un monstre et votre ennemi vaincu ? Alors,
mue par la force folle et âpre du refoulé, la jeunesse issue de
l’ancien Outre-Mer met de plus en plus souvent le feu à la France.
On n’immole rien avec tant d’ardeur que ce qui fut en vain adoré.
A
l’extérieur des frontières hexagonales, en l’an 2016, dans les
plus francisées des sphères intellectuelles africaines, on n’avoue
plus son amour pour la France que du bout des lèvres ou par de
subtiles périphrases. La francophilie a des parfums de trahison,
quand le nationalisme le plus étroit se porte en bandoulière et
vaut brevet de vertu. La posture dispense de regarder l’Histoire en
face. Le déni de francité qui souvent fonda les indépendances
africaines, la revendication égalitaire contrariée, disparaissent
comme poussière sous le tapis de l’amour-propre. Dignité sauve,
ou à peu près, tandis que le petit peuple paie depuis des décennies
le prix de la misère, de la tyrannie et parfois de l’esclavage, on
mythifie la lutte, acidulée aux arômes de fierté et liberté. La
pirouette permet de cacher ses propres responsabilités, la double
nationalité dont on jouit sans vergogne, les petits-fours et le
champagne qu’on a bien dans l’estomac, et même de caviarder les
yeux de ceux qui pourraient avoir l’idée de s’en plaindre. Au
passage, la feuille de route du Général est parfaitement
respectée : « ces gens-là » ne se veulent à
aucun prix Français.
Au
spectacle de combinaisons aussi retorses, faut-il désespérer ?
Pas
encore. Car malgré l’immense passif accumulé, malgré les
désillusions en cascades et la propagande tous azimuts, nombre
d’Africains, en particulier parmi le petit peuple, aspirent
toujours aujourd’hui à bâtir l’avenir avec la France et
l’Europe qui l’accompagne. Et pour une grande partie des
populations européennes, notamment des Français, malgré la poussée
identitaire qui menace de tout emporter, la réciproque reste vraie.
N’en
déplaise aux partisans du divorce, Blancs ou Noirs, calculateurs ou
dupes, aujourd’hui encore nombre d’Africains, de Français,
d’Européens accueilleraient avec bonheur une ample et nouvelle
politique franco-africaine et euro-africaine enfin fraternelle, au
service du bien-être économique, social et moral des populations
des deux continents.
Les
élites politiques françaises et africaines pourraient-elles refuser
de se montrer enfin dignes d’une tâche qui engage nos
civilisations ? Car il s’agit rien moins que de réparer les
dégâts de siècles d’histoire absurde ou rapace, auxquels toutes
ont leur part. Le projet est exaltant. Par un dialogue ouvert et
d’égal à égal entre les Etats intéressés, bâtir une politique
novatrice, conjuguée sur les trois axes fondamentaux que sont la
santé, l’éducation de qualité pour tous, et la justice sociale.
Un projet financé par une BCE (Banque Centrale Européenne) enfin
assujettie au politique, appuyé et organisé par la puissance
publique, incluant tous les échelons de la société :
gouvernements, parlements, administrations et, surtout, populations.
Accompagnée
de l’Europe et de son premier allié l’Allemagne, concernée elle
aussi au premier chef par les grands desseins historiques et
fraternels, après un XXe siècle atroce et lamentable, la France est
à la croisée des chemins.
Le XXIe
siècle de fraternité qu’il faut construire avec l’Afrique comme
le souhaitent beaucoup d’Africains, en particulier les plus pauvres
d’entre eux, exigera des élites françaises et européennes comme
des élites africaines une grandeur d’âme jamais vue. Les unes
devront regarder en face l’histoire d’amour qui fut brisée avec
l’Afrique en 1960. Les autres devront cesser d’agir en alliées
du néocolonialisme gaullien et post-gaullien, et seraient bien
inspirées, elles aussi, de regarder leur histoire en face. Celle
d’une Afrique à la fois fière de ses racines mais aussi fascinée
et attirée par l’Europe. Une Afrique à la fois sûre de son génie
propre, mais aussi éprise du génie spécifique de la France. Car
c’est à force d’avoir été méprisée par un certain Occident
que l’Afrique a fini par ne plus voir tout ce que la France et
l’Europe admirent chez elle, et désirent infiniment, de longue
date, en toute fraternité et humanité, comme l’Afrique en retour.
Dans le
Jardin des Délices (1504) de Jérôme Bosch, non seulement
les Blancs et les Noirs marchent côte à côte, parlent, débattent,
s’amusent, mais encore ils s’aiment et vivent ensemble la
maternité. Tandis qu’aux côtés de La Liberté guidant le
peuple (1830) d’Eugène Delacroix, un fier mulâtre au béret
rouge brandit le sabre, sur la barricade, entouré de ses camarades
révolutionnaires, blancs, parisiens.
En
écoutant un peu plus la voix des ancêtres, les souvenirs des nobles
vieillards, certaines élites africaines totalement déracinées et
vautrées dans la tartufferie dictée par ce qu’il reste du colon,
se désoccidentaliseraient peut-être un peu, se franciseraient en
tout cas autrement, enfin s’africaniseraient davantage. Alors la
vérité sur ce qui fut aussi une grande histoire d’amour
franco-africaine cesserait de leur apparaître comme un scandale
exclusif et ulcérant. Au lieu de voir cet autre et beau
souvenir de la France comme une nouvelle imposture, un énième
subterfuge de l’impérialisme français ou occidental, ils
verraient ces souvenances soudain si fortes et vivifiantes s’inscrire
dans un mouvement infiniment plus vaste et d’une tout autre nature,
séisme bienfaisant dans une tectonique intercontinentale, politique
et spirituelle, placée sous le signe de la fraternité et du
dépassement historique, de la négritude et de la francité
inclusives, de la mutation et du retour aux sources, baignée dans
les Lumières, à l’échelle des siècles et des millénaires…
Mais
sachons, ici, rester à hauteur d’homme.
La
France et l’Afrique sont bien davantage faites l’une pour l’autre
que ne le disent certaines élites françaises ou africaines, ou
plutôt franco-africaines, complices, sous-produits dérisoires d’une
idéologie perverse qui divise, bâillonne et asservit depuis trop
longtemps le peuple et ses voix profondes. Une histoire falsifiée
qui trahit l’Afrique et la France, se nourrit de leur destruction
et s’enivre dans ses tours d’ivoire.
Le plus
grand nombre ayant enfin la parole comme l’exige la démocratie,
avec l’enthousiasme des vieux Africains qui voient la France bien
plus grande que ne la voient la plupart des Français, que renaisse
un amour franco-africain tout de luxe, de calme et de volupté, comme
un tableau de Jérôme Bosch, comme une transe au vertige extatique
et heureuse, comme un rêve de Senghor, de Germaine Tillion,
d’Alioune Diop ou de Lévi-Strauss, présage d’un immense
ensemble franco, pardon, euro-africain… ou afro-européen
chevauchant les continents…
Enraciné
dans la nuit des temps et illuminant le plus grand avenir…
Alexandre
Gerbi
Notes
1
Discours à la tribune du Grand Conseil de l’AEF (Afrique
Equatoriale Française), 21 octobre 1957, cité par Pierre Kalck, in
Histoire centrafricaine, des origines à 1966,
L’Harmattan, 1992, p. 291. Barthélémy Boganda était le
principal leader politique d’Oubangui-Chari, future République
centrafricaine. Patriote franco-africain et panafricaniste, celui
qui avait pour devise « Zo
kwé zo »
(« Un homme
vaut un homme »)
prônait en particulier l’unité de l’« Afrique
latine »
(française, belge et portugaise). Il disparut dans un accident
d’avion le 29 mars 1959.
2
Le Monde,
21 avril 1956.
3
Tristes tropiques,
Plon, 1955, rééd. Pocket, 1984, pp. 486-487.
4
L’Algérie en
1957, Éditions de
Minuit, 1957, pp. 41 et 79.
5
Selon l’expression de Pierre Viansson-Ponté.
6
Selon le mot ironique de Léon Daudet.
7
Sur l’affaire d’Algérie, lire en particulier Todd Shepard,
1962,
Comment
l’indépendance algérienne a transformé la France,
Petite Bibliothèque Payot, 2008.
8
C'était
de Gaulle, t. 2,
pp. 457-458.
9
Ibid.
10
Rapport politique mensuel, février 1960, s.r.,
s.d. ANSOM, aff. Pol. 2243-B3,
cité par Florence Bernault
in Démocraties ambiguës en Afrique centrale, Congo-Brazzaville,
Gabon : 1940-1965,
Karthala, 1996, p. 298.
11
Loi constitutionnelle n° 60-525 du 4 juin 1960 tendant à compléter
les dispositions du titre XII de la Constitution.
12
Voir notre article « L’effarante loi 60-525 » in
Décolonisation de l’Afrique ex-française, Enjeux pour l’Afrique
et la France d’aujourd’hui,
L’Harmattan, 2010. Cet article est également disponible sur Fusionnisme, ici.
13
Selon l’expression de Raymond Cartier.
14 En vertu d'accords que la nationalisation des avoirs français par l'Etat FLN, le 24 février 1971, rendit caduques, quelques mois seulement après la mort de Charles de Gaulle, survenue le 9 novembre 1970. Et deux ans et demi avant le premier choc pétrolier d'octobre 1973, qui sonnerait le glas des Trente Glorieuses.
15
En particulier, à partir des années 1990, les ouvrages de F.-X.
Verschave.
Belles informations ici, je voudrais partager avec vous toute mon expérience en essayant d'obtenir un prêt pour développer mon entreprise de vêtements ici en Malaisie. C'était vraiment difficile pour mon entreprise de tomber en panne à cause de ma petite maladie de courte durée, puis quand j'ai été guérie, j'avais besoin d'un fonds pour le reconstituer pour que je puisse commencer, alors je suis tombé sur M. Benjamin, un conseiller en crédit au service de financement Il m'a demandé de mon projet d'entreprise et je lui ai dit que je possédais déjà One et que j'avais juste besoin d'un prêt de 200000,00 USD.Il m'a donné un formulaire à remplir et je l'ai fait aussi il m'a demandé ma carte d'identité valide dans quelques jours.Ils ont fait le transfert et mon prêt a été accordé. Je veux vraiment apprécier cet effort et essayer de faire parvenir cela à tous ceux qui recherchent un prêt commercial ou d'autres problèmes financiers à contacter M., Benjamin Email: 247officedept@gmail.com Il est également disponible sur WhatsApp Contact: + 1-9893943740.
RépondreSupprimer